La BCE devrait ignorer les critiques et remonter ses taux

 
 
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ège de la Banque centrale européenne, le 6 juin 2007 à Francfort (Photo : Martin Oeser)

[02/07/2008 09:04:43] FRANCFORT (AFP) La Banque centrale européenne devrait rester sourde aux critiques politiques et remonter légèrement ses taux directeurs jeudi pour combattre l’envolée des prix, quitte à aggraver l’état déjà défaillant de l’économie.

Economistes et marchés sont unanimes: le principal taux directeur va grimper d’un quart de point à 4,25%, son plus haut niveau depuis sept ans.

Le président de la BCE Jean-Claude Trichet a déjà clairement annoncé la couleur début juin. Et le nouveau record de l’inflation, qui a atteint le seuil symbolique de 4% en juin selon une première estimation, ajoute de l’eau à son moulin.

Mais alors que l’échéance se rapproche, plusieurs voix se sont élevées pour mettre en doute la pertinence d’un tel geste, l’un des plus délicats dans l’histoire de la jeune institution, qui fête cette année ses dix ans.

En France, le président français Nicolas Sarkozy a suggéré à l’institution de “se poser la question de la croissance économique en Europe et pas simplement de l’inflation”.

Un argument maintes fois utilisé par le chef de l’Etat et les responsables politiques en général. Mais les débats risquent de nouveau de tourner au dialogue de sourds, quand M. Trichet rappellera que la seule mission prioritaire de la BCE, inscrite dans le traité de Maastricht, est de garantir des prix stables.

L’Allemagne, une fois n’est pas coutume, est aussi intervenue. Son ministre des Finances, le social-démocrate Peer Steinbrück, habituellement le premier à exalter l’indépendance de la BCE, a enjoint les gardiens de l’euro de réfléchir aux conséquences économiques que pourrait avoir leur acte.

Alors que la stagflation -cocktail d’inflation forte et de croissance faible- menace, l’équation est quasi-impossible à résoudre pour les banquiers centraux. En resserrant les conditions du crédit, ils espèrent éloigner le spectre d’un emballement durable des prix en maintenant les attentes d’inflation à un niveau conforme à leur objectif, soit moins de 2%.

Combattre la hausse des prix est indispensable pour permettre aux consommateurs de retrouver leur pouvoir d’achat et éviter que leur épargne ne fonde.

Mais le geste va contribuer à renforcer l’euro face au dollar et à la livre sterling, de quoi entamer la compétitivité des exportateurs des Quinze. Et ne va pas entraver la flambée des prix du pétrole, qui bondit à chaque accès de faiblesse du dollar.

Un relèvement de taux n’est pas prêt d’apaiser les tensions actuelles liées à la flambée des prix du brut et la montée des prix des aliments, contre lesquelles la BCE ne peut rien.

Surtout que ce type de décision n’agit qu’avec un délai de six à neuf mois, donc ses effets de frein se feront pleinement sentir quand l’économie sera au plus mal.

Le bilan de santé de l’économie se dégrade déjà de statistiques en statistiques. Selon un indicateur publié mardi, l’activité a diminué dans l’industrie manufacturière de la zone euro pour la première fois depuis trois ans, avec une contraction inquiétante en France, en Italie et en Espagne.

La BCE n’a malgré tout plus vraiment le choix et va augmenter son taux, comme les marchés l’ont complètement intégré.

Si elle y renonçait, elle donnerait de plus l’impression de céder aux pressions politiques, ce qui endommagerait son bien le plus précieux, sa crédibilité.

La question est plus de savoir si “la BCE va augmenter encore une fois ses taux cette année?”, comme les marchés l’anticipent, souligne Holger Schmieding, chef économiste pour l’Europe de la Bank of America.

Pour Alexandre Krüger, de la Bankhaus Lampe, la BCE va certainement garder l’option ouverte, et les risques pour la croissance vont continuer à ses yeux “à peser moins lourd dans la balance” que le danger inflationniste.

 02/07/2008 09:04:43 – Â© 2008 AFP