A l’instar de beaucoup d’autres
puissances économiques, les Turcs semblent désormais considérer, eux aussi,
l’Afrique comme un continent où il fait bon de faire des affaires. Bien
entendu, n’ayant pas la même puissance de feu financière que des pays comme
la Chine, l’Inde ou les autres grandes puissances économiques, la Turquie
est en train de faire son chemin à travers le commerce.
C’est ainsi que le pays d’Atatürk a instauré le
‘’Pont de commerce entre l’Afrique et la Turquie’’ dont la 3ème édition
vient de tenir à Istanbul, sous la houlette de la confédération des hommes
d’Affaires turcs ; cette manifestation a réuni cette année des homologues
africains en provenance de 45 pays africains sur les 52 que compte le
continent. Objectif : le renforcement de la coopération dans tous les
domaines avec l’ensemble du continent. Il s’agit d’une grande offensive
commerciale des Turcs en Afrique. On aurait aimé que la Tunisie ait
pareilles ambitions, parce que la volonté politique existe et le
savoir-faire des capitaines d’industrie tunisiens aussi. Mais on sent
comme si ces derniers –beaucoup d’entre eux en tout cas- étaient tétanisés
à l’idée d’aller prospecter vers le sud du Sahara… Les clichés ont la peau
dure, diront certains.
Bon, ce n’est pas grave, demain ça ira mieux.
Revenons maintenant sur cette manifestation
commerciale turco-africaine, pour dire que, trois jours durant, les
participants se sont penchés sur toutes les opportunités d’affaires du
commerce, de la vente à l’investissement, en passant par les
joint-ventures et les transferts de technologie… Selon notre source, pas
moins ‘’de 3.500 opérateurs africains et turcs se sont rencontrés à la
salle d’exposition en une séance pratique où chaque opérateur aura déjà
calé rendez-vous avec tous les partenaires avec qui il est susceptible de
traiter affaire’’. Le succès aidant, la salle est passé de 5.000 l’année
dernière à 10.000 m2 cette année.
Pour assurer une solennité officielle à cette
rencontre, la plupart des ministres africains chargés du Commerce étaient
présents, confrontés qu’ils sont, pour la plupart d’entre eux, à la montée
vertigineuse des prix des denrées de première nécessité. De ce fait, ils
n’ont pas manqué d’émettre ‘’le souhait de se faire assister pour la
production agricole par un transfert technologique’’, par la Turquie, cela
s’entend.
Doléance qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un
sourd, puisque, selon notre source, Kursad Tuzmen, le ministre turc du
Commerce extérieur, aurait favorablement répondu à cette ‘’demande
africaine’’. D’ailleurs, considérant les pays africains comme des amis de
la Turquie, il citera la célèbre phrase du poète Jalaludin Rumi, qui
disait : «l’on n’a pas besoin d’un miroir lorsque l’on a un bon ami», tout
en ajoutant que, ‘’avec le continent africain, les relations ont dépassé
l’amitié pour la fraternité…’’. C’est politique, c’est diplomatique, mais
c’est joli à entendre tout de même.
Mais le ministre turc sait qu’il en faut plus attirer
les Africains, alors M. Tuzmen a rappelé ‘’qu’un tsunami alimentaire
guette le continent africain qui a intérêt à développer son énorme
potentiel agricole et que la Turquie est prête à accompagner les efforts
du continent pour une autosuffisance alimentaire’’.
Pour ce faire, ‘’la Turquie propose à l’Afrique un
autre type de coopération qui sorte des filières classiques’’, affirme le
ministre qui estime que ‘’l’Afrique a besoin de crédits dans le cadre d’un
nouveau système de financement et de régulation pour lui permettre de
prendre ses parts de marché au niveau international’’. Il va plus loin
pour demander à ce l’Afrique soit épaulée afin de ‘’rompre avec le cycle
infernal de la dette et de la pauvreté par une multiplication des accords
de partenariats multisectoriels. Le gouvernement turc de même que
l’ensemble de ses opérateurs économiques sont dans cette dynamique’’.
Qu’est-ce que c’est dit !
De la parole aux actes ? Possible ! Mais tout d’abord
faisons du commerce, puis on verra après. Ainsi, M. Tuzmen a révélé que
‘’pour doper les activités commerciales (des Turcs), l’Eximbank va
s’installer en Afrique pour appuyer les opérateurs économiques turcs et
africains. Dans le même sillage, la Turquie entend intégrer la Banque
africaine de Développement (BAD) et travaille sur des projets communs avec
la banque mondiale et la Banque Islamique de Développement (BID)’’.
Et déjà objectif chiffré : la Turquie compte faire
passer le volume de commerce avec l’Afrique de 20 milliards de dollars en
2008, à plus de 50 milliards dollars d’ici 2012 et que les perspectives
sont bonnes avec une augmentation de 200% du volume de commerce rien que
pour le premier trimestre de l’année en cours.
Par ailleurs, ce qui est amusant dans cette affaire,
ce que les Turcs n’excluent aucun pays du continent, bien entendu y
compris la Tunisie. La Turquie se considère déjà comme une puissance
économique ou presque (elle dispose de 7 ambassades en Afrique et vise
21…). A juste titre sans doute, puisque la Turquie est 17ème économie du
monde.
Rappelons que 2005 avait été déclarée par la Tunisie
‘l’année de l’Afrique’’ et avait tracé un cadre pour redynamiser et
développer la coopération avec les pays du continent.
|