Fraîchement sorti
d’une de nos universités, et ayant entendu depuis trois ans de l’existence
d’une institution financière chargée d’aider à la création d’entreprises,
je concocte un business-plan dans un domaine ‘’innovant’’ que je soumets à
cette institution…
Première impression :
‘’projet rentable’’. Je vous laisse imaginer ce que je sentis en ce moment.
Des jours, des semaines
puis des mois passent, toujours pas de nouvelle. Bon, je me suis dit, pas de
nouvelle bonne nouvelle, comme pour me rassurer, vous vous en doutez.
Alors, avec une forte
appréhension, je me rendis un jour au siège de la banque pour savoir ce
qu’il en était advenu de mon dossier. ‘’Pas encore votre dossier’’, me
répondit-on. Quelques mois plus tard, je reviens, et cette fois-ci il y
avait une
réponse: ‘’on a soumis votre dossier aux banques commerciales’’.
Je repartis la peur au
ventre, et bien entendu je restai attentif à toute nouvelle en provenance de
ma banque –parce que jusqu’à preuve du contraire, c’est la mienne ou plutôt
je la considère comme tel. Et un jour la nouvelle tant attendue tomba :
‘’votre dossier a été rejeté par les banques… pour manque de rentabilité
forte’’, m’a-t-on dit. Sans commentaire.
Chers lecteurs,
croyez-moi, ce qui est relaté ci-dessus n’est pas de la fiction, mais
reflète bel et bien la réalité… Et si vous en doutez une seconde, tentez le
coup…
En clair, voici comment
cela se passe avec ma “Banque”. Quand un diplômé ou promoteur dépose sa
demande de financement au bureau du P-DG de ma Banque, après étude, souvent
on lui dit que son projet est rentable, et donc, par ricochet, acceptable
par les banques commerciales. Mais apparemment près de 50% des dossiers
soumis à ces banques par ma Banque sont rejetés pour cause de ‘’non
rentabilité’’…
Par ailleurs, selon
l’objet même de ma Banque, le diplômé qui souhaite créer son entreprise n’a
plus à fournir de garantie ; mais ça c’est dans la théorie. Allez voir ce
qu’il en est réellement dans la pratique…
Petite précision : ce
n’est pas ma Banque qui demande de garantie mais les banques commerciales,
c’est logique après tout, mais normalement c’est ma Banque en collaboration
avec une structure (pour Société tunisienne de garantie) qui doit servir de
garantie ; en fait, c’est à la fois simple et compliqué. Les banques
demandent de garantie de premier rang, tandis que ma Banque demande la
garantie de second rang…
Toujours concernant ma
Banque, sa mission, selon son site web, est ‘’d’apporter l’assistance
et le soutien nécessaires afin de faciliter la création et l’extension des
PME…’’, et de ‘’faciliter l’accès au financement pour la création et
l’extension des PME’’. Dans les détails, il faut que ces projets soient
innovants
et à forte valeur ajoutée. Mais, dites-moi, avez-vous entendu ou vu une
institution financière qui refuse de financer un projet qui, non seulement
est innovant mais surtout à valeur ajoutée ? De cette question, une autre me
vient à l’esprit : Notre pays n’aurait-il pas besoin de projets à
‘’rentabilité normale’’ ?
Par ailleurs, il
semblerait –c’est même sûr- que ma Banque n’ait pas véritablement résolu
son problème de personnel ; elle est jusqu’à présent en sous-effectif. Du
coup, elle n’a pas –ou peu- de représentations dans les régions, alors que,
a priori, c’est là où on a
plus besoin d’elle. Parce que, si elle ‘’finance’’ -j’ai mis le mot entre
guillemets à dessein, parce qu’en réalité elle finance rien du tout)- des projets ‘’…à forte
valeur ajoutée’’, il est presque évident que les porteurs de ceux-ci ne
peuvent pas rencontrer de problèmes de financement surtout quand ils sont
situés dans les grandes villes industrielles ou économiques (comme Tunis, Sousse,
Sfax,…). Et puisque ma Manque a été créée dans l’objectif d’aider à la créer
d’entreprises dans le pays, il serait normal qu’elle ait des antennes dans
les régions à développement prioritaire. De ce fait, la réponse qu’elle
devait tenir aux candidats au crédit, c’est ‘’je te finance à condition
d’aller créer ton projet dans les régions de l’intérieur (Siliana, Jendouba,
Kasserine, Tataouine, Gafsa, Tozeur, j’en passe)’’. Mais attention, je vous
vois venir, SVP ne faites pas dire ce que je n’ai pas dit ou voulu dire, ma
Banque a financé des projets dans ces régions…. Combien? Allez savoir.
Autre reproche à l’égard
de ma Banque : certains disent qu’elle n’a pas tenu sa promesse de prendre en
charge les cautions de garantie des PME adjudicataires des marchés publics
(de l’Etat). Là également une petite explication s’impose. Il semblerait que
chaque PME adjudicataire d’un marché public puisse demander la prise en charge
de la caution bancaire (caution de remboursement de garantie, caution
définitive…), laquelle reste bloquée durant une année au niveau de la banque
commerciale. Mais imaginons qu’une opportunité de participer à un 2ème
appel d’offres se présente, il est certain qu’il me sera impossible d’y
prendre part, parce que je n’aurai pas la caution nécessaire -la seule
caution dont je dispose étant déjà bloquée… Or, normalement c’est là où devait
intervenir ma Banque qui devrait garantir les PME et leur permettre de se
développer. Alors est-ce le cas? Je n’en sais moi.
Donc, les observateurs,
pardon ceux qui ont eu à faire à ma Banque estiment que tous ces problèmes
n’ont pas encore été traités, sous prétexte que ‘’le mécanisme n’a pas
encore été mis en place….’’.
Revenons-en
un instant au
personnel de ma Banque. Certains jeunes dirigeants que nous avons rencontrés
affirment que ma Banque dispose des cadres hyper compétents –et croyez-le bien,
ces JD ne mâchent pas leurs mots, et ils ne sont pas du genre à jeter des
fleurs…-, mais ils disent avoir l’impression que les cadres de ma Banque n’ont pas les
moyens nécessaires d’exprimer leur talent… Tout se passe comme si leur génie créateur
était sous-exploité ou du moins ‘’confiné’’.
Les chiffres maintenant.
Selon le site de ma Banque, environ 600 projets ont été financés -ou
sont en cours de financement- par ma Banque depuis
sa création pour un montant d’environ 126 MDT (chiffres de la première
quinzaine de juillet 2008) et
un déblocage d’un peu plus de 25
mDT, pour un taux de recouvrement qui avoisine les 95%. Chiffre étonnant,
quand on sait que, il y a seulement 2 ou 3 mois, on nous parlait de près de
150 projets qu’elle a financés. Là aussi, l’impression des JD –et de certains d’autres
également- c’est que ma Banque paraît plus sévère que les banques
en matière de sélection. Ils disent même que ma Banque joue le
rôle de sélectionneur de projets les plus rentables pour le compte des
banques. Et tout se passe comme si la Tunisie n’avait pas
besoin de projets à rentabilité normale. Alors, le rôle de ma Banque est-il
de sélectionner des projets rentables ou d’aider à la création
d’entreprises ?
A cause de ce flou -que
d’aucuns appelleraient d’ailleurs ”artistique”-, certains
suggèrent que ma Banque change de dénomination pour devenir ‘’Banque
sélectionneuse des projets les plus rentables ‘’BSPPR’’ au lieu de… –belle
abréviation non !
Pourquoi pas, seulement, il faudrait, dans ce cas, mettre en place une autre
institution financière qui jouerait le rôle d’aide à la création
d’entreprises. Notre pays en a plus que besoin.
Conclusion, s’il peut y
en avoir une. Rappelons que les ambitions de ma Banque, exprimées à maintes
reprises par son P-DG, avaient suscité un immense
espoir chez les jeunes diplômés et autres dirigeants de PME. Suis-je déçu,
les autres avec moi ? Bien sûr que oui. Est-ce que le fait que ma Banque soit une banque
hybride ‘’banque d’affaires et banque d’investissement’’ constitue-t-il un
obstacle à la réalisation de ses ambitions ? C’est possible. Mais au-delà de
ma Banque, est-ce
que les autres banques du pays n’ont pas un devoir de participer à l’effort
national de création d’entreprises ?
Poussons un plus loin
l’analyse de la situation, toujours en collaboration avec des gens du
terrain, comme on dit, les jeunes chefs d’entreprise. ”Lorsqu’on a demandé aux chefs
d’entreprise d’investir, de recruter, de se développer et de se mettre à
niveau afin d’aider au développement de notre pays, ils ont tous –ou
presque- répondu favorablement. Patriotisme oblige”, disent-ils. ”Hélas,
certains n’ont pas pu le faire parce qu’ils ont rencontré d’énormes
obstacles (y compris administratifs et financier)”, regrettent-ils. Ils
pensent même qu’il est aujourd’hui plus facile pour un particulier d’obtenir
un crédit pour l’achat de sa voiture personnelle qu’une entreprise pour sa
fourgonnette ”de travail”. C’est dommage, mais c’est comme ça !
PS: SVP, il ne s’agit qu’une chronique
et rien d’autre. Rappelez-vous en….
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