Créer un fonds souverain français : pourquoi pas, mais avec quel argent ?

 
 
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épôts (CDC) (Photo : Mychele Daniau)

[19/07/2008 09:22:43] PARIS (AFP) L’idée de Nicolas Sarkozy de créer un fonds souverain français pourrait permettre de protéger certains secteurs stratégiques de l’économie nationale, estiment des économistes, qui soulignent cependant le manque de moyen de l’Etat pour se lancer dans un tel projet.

“J’ai bien l’intention de faire de la Caisse des dépôts un fonds souverain. Il n’y a pas de raison que la France n’en ait pas”, a lancé le chef de l’Etat début juillet dans un discours prononcé au Creusot (Saône-et-Loire).

Créés pour certains d’entre eux il y a plusieurs dizaines d’années, les fonds d’investissement publics des pays pétroliers ou asiatiques sont apparus sur le devant de la scène avec la crise financière dite du “subprime”.

Entre mai 2007 et février 2008, ils ont investi plus de 50 milliards de dollars dans un secteur financier américain et européen en difficulté, relève ainsi l’économiste Benoît Coeuré dans un récent article.

Selon le FMI, les fonds souverains gèrent aujourd’hui entre 2.000 et 3.000 milliards de dollars d’investissements, qui pourraient atteindre entre 6.000 et 10.000 milliards de dollars d’ici cinq ans.

La présence des fonds souverains dans des secteurs sensibles de l’économie et leurs intentions jugées parfois ambiguës inquiètent les dirigeants occidentaux.

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à Paris (Photo : Gerard Cerles)

Ces craintes sont cependant jugées très exagérées par les économistes qui soulignent que les fonds souverains ont d’abord des objectifs de rentabilité financière et qu’ils ne cherchent pas à prendre le contrôle des entreprises dans lesquelles ils investissent.

“Dans leur quasi-totalité, les tentatives de contrôle récentes (d’entreprises occidentales) étaient le fait d’entreprises publiques ou privées et non de fonds souverains”, rappelait en mai l’inspecteur des Finances Alain Demarolle dans un rapport sur le sujet.

“Monsieur Mittal, monsieur Tata, c’est plus important que les fonds souverains”, abonde Patrick Artus, chef économiste chez Natixis, en référence aux deux industriels indiens.

Alors, la France a-t-elle besoin d’un fonds souverain? “Oui”, répond sans hésiter Olivier Pastré, professeur d’économie à Paris VIII. “La France a un capitalisme extrêmement déficient et fragile. Il lui faut un investisseur de long terme pour stabiliser le capital de ses entreprises”.

Le problème réside surtout dans le manque de moyens pour le faire. Les fonds souverains ont été créés par des pays qui disposaient d’un excès d’épargne, du fait d’importantes ressources pétrolières (Moyen-Orient, Norvège, Russie…) ou d’excédents budgétaires ou commerciaux (Asie).

Or en France, “l’Etat n’a pas d’argent et la balance commerciale est déficitaire: on n’a pas un euro à mettre dans un fonds souverain”, souligne Patrick Artus.

Mobiliser les 35 milliards d’euros d’actifs de la Caisse des dépôts? “C’est bien mais il manque un zéro”, tranche Olivier Pastré.

La CDC ferait en effet pâle figure face au principal fonds souverain du monde, l’Abu Dhabi Investment Authority (ADIA), qui gère 875 milliards de dollars d’actifs.

Les ambitions d’un fonds souverain français devraient donc être extrêmement limitées. En janvier, Nicolas Sarkozy avait avancé l’idée de faire de la Caisse des dépôts “un instrument de la politique de défense” des entreprises nationales, un objectif bien différent de celui des fonds souverains étrangers.

“Cela implique d’afficher une doctrine: définir un ou deux secteurs stratégiques, comme l’énergie ou l’armement, qu’on défendra en cas de raid étranger hostile”, avance Patrick Artus. “Pour l’instant, on fait des grands discours et il ne se passe rien!”, remarque-t-il.

 19/07/2008 09:22:43 – Â© 2008 AFP