Le retour en grâce du savon de Marseille

 
 
[21/07/2008 11:07:36] MARSEILLE (AFP)

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é manipule des savons de Marseille artisanaux

Dans une économie où le bio et le naturel sont désormais tendance, le savon de Marseille, fabriqué à base d’huiles végétales, a le vent en poupe et fleurit dans les salles de bains du monde entier.

“Il y a une accélération phénoménale ces deux-trois dernières années”, affirme Marie Amiel, responsable juridique de Marius-Fabre. La savonnerie, fondée en 1900 par son arrière-grand-père à Salon-de-Provence, près de Marseille, a réalisé un chiffre d’affaires de 4,7 millions en 2007 contre 4 millions en 2006, dont 40% à l’export, notamment au Japon, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis.

Pour la jeune femme, ce retour en grâce d’un produit laissé sur le carreau par l’arrivée de la machine à laver puis ringardisé par le développement des gels douche, s’explique par l’intérêt de plus en plus évident des consommateurs, alertés par “les associations de consommateurs contre les produits chimiques, type parabènes”, pour la composition des produits.

La crise de la vache folle a aussi contribué à cette renaissance, les acheteurs avertis se détournant des savonnettes au suif -l’essentiel du marché-, remarque Olivier Ruth, fondateur en 1997 de la marque Durance.

Pour séduire, le savon de Marseille a aussi su opérer sa mue et se diversifier. A côté du gros cube de 600 g avec lequel seuls les puristes se lavent encore, les fabricants de savon de Marseille proposent des savonnettes parfumées ou bio, des savons liquides, des shampoings, des barres de 2 kg pour décorer sa maison…

Dans la boutique qui jouxte l’atelier de la savonnerie Rampal, également installée à Salon, on trouve aussi de petits cubes à mettre dans ses armoires pour lutter contre les mites, des sticks pour se brosser les dents ou de grands sacs de copeaux de savon pour laver son linge en machine.

“Ce n’est pas très cher, c’est écologique, naturel et bon pour la peau des bébés”, commente une jeune mère de famille, Nezah Elmovine. “C’est typique, naturel, c’est la Provence”, renchérit son amie, Emilie Huet, venue de Lorraine.

Cette image de la Provence, “extrêmement positive”, notamment à l’étranger, tire aussi les ventes, souligne Jean-Louis Plot, gérant de Rampal.

Seul hic, tous les savons estampillés savon de Marseille ne sont pas fabriqués dans le Sud-Est de la France. Car si les savonniers marseillais ont inventé le procédé de fabrication au Moyen-Âge, l’appellation n’est pas protégée.

“Les plus gros fabricants sont aujourd’hui les Chinois et les Turcs”, explique Stéphanie Petitjean, déléguée générale de Cosmed, l’association des PME de la filière cosmétique.

Pour tenter de contrer cette concurrence, la profession, regroupée dans l’Association française de la détergence, de l’entretien et des produits d’hygiène industrielle (Afise), a élaboré une charte qualité qui rappelle la recette à respecter: cuisson par saponification en discontinu au chaudron, teneur en acides gras supérieure ou égale à 63%, teneur en soude inférieure à 0,1%…

“Nous avons informé la grande distribution de ce code, entériné par la direction des fraudes, ainsi que tous les pays qui l’ont réclamé”, dit Frédérique Joly, responsable technique de l’Afise.

Mais le suif a été autorisé et les contrôles “ne sont pas si fréquents”, regrette Mme Amiel, dont l’entreprise, comme les autres savonneries traditionnelles de Marseille et sa région -qui se comptent sur les doigts d’une main contre une centaine au début du XXe siècle- travaille uniquement à base d’huiles végétales (olive, coprah, palmiste).

M. Ruth juge, lui, cette charte d’aucune utilité: “Aucun code n’est valable s’il n’est pas européen et aucun produit protégé s’il n’y a pas d’appellation”.

 21/07/2008 11:07:36 – Â© 2008 AFP