En Allemagne, l’industrie reste une affaire de famille

 
 
photo_1217321746264-1-1.jpg
ège du groupe à Munich (Photo : John Macdougall)

[29/07/2008 08:57:23] FRANCFORT (AFP) Les berlines de BMW ou Porsche, la lessive Persil: ces marques très connues appartiennent en Allemagne à des groupes familiaux, symboles de l’économie d’après-guerre, mais dont les pratiques ressemblent de plus en plus à celles de fonds spéculatifs.

Dernier exemple en date: Continental, un des premiers équipementiers automobiles européens, pourrait être avalé par un groupe familial bavarois, quasi inconnu et près de trois fois plus petit, Schaeffler Gruppe. Mais dont les propriétaires détiennent la 104e fortune au monde, selon le magazine Forbes.

“C’est une spécialité absolue en Allemagne”, affirme Stefan Heidbreder, directeur de la Fondation des entreprises familiales, interrogé par l’AFP.

Non pas que les entreprises familiales soient moins nombreuses en France ou en Italie par exemple mais, en Allemagne, c’est l’existence de très grands groupes détenus par des dynasties industrielles qui étonne.

Environ 95% des entreprises sont familiales dans le pays, soit 41,5% du chiffre d’affaires des sociétés allemandes et près de 60% des salariés soumis à la Sécurité sociale, selon une étude de la Fondation.

“Les entreprises familiales sont la colonne vertébrale de l’économie allemande”, estime Peter May, professeur à Lausanne, dans un entretien à l’AFP.

Surtout, certaines d’entre elles sont cotées dans le principal indice de la Bourse de Francfort et leaders mondiaux dans leur secteur. La plus importante, Metro, propriétaires des supermarchés éponymes ou de la chaîne de high-tech Saturn, compte environ 250.000 salariés pour un chiffre d’affaires de plus de 50 milliards d’euros. Un mastodonte contrôlé par la famille Haniel, dans les affaires depuis 250 ans.

Même chose pour BMW: le constructeur automobile munichois affiche comme premier actionnaire la famille Quandt. Henkel a été fondé il y a 132 ans par la famille du même nom et vend entre autres les lessives Persil.

Porsche, toujours détenu par les héritiers de Ferdinand Porsche, qui a conçu pour le régime nazi le modèle de la “coccinelle”, est, lui, en passe de s’emparer du premier constructeur européen Volkswagen.

“Cela s’explique par l’histoire”, selon Stefan Heidbreder. Les facteurs de cette évolution sont, selon les experts, la structure décentralisée de l’Allemagne qui maintient de nombreux centres industriels, les lois sur la succession, qui favorisaient la reprise par un seul héritier, et surtout l’après-1945.

Après la guerre, “contrairement à la France par exemple, où l’Etat a constitué des groupes publics, l’Allemagne a soutenu les entreprises familiales”, explique à l’AFP Gehrd Habermann, de l’association des entreprises familiales ASU.

Pour ses partisans, ces groupes sont toujours “une alternative attractive au capitalisme financier froid”, selon l’expression de M. May. Ils délocaliseraient moins et seraient moins attachés à la rentabilité immédiate que les fonds d’investissement, surnommés les “sauterelles”.

Une image que viennent d’écorner deux exemples récents. Porsche, en rachetant Volkswagen, et Schaeffler, avec Continental, ont tous deux utilisé des instruments financiers très complexes pour prendre de court leurs proies et contourner certaines règles en cas de rachat.

“Les entreprises familiales ont appris des fonds en ce qui concerne les instruments de financement modernes”, admet M. May. Globalement, selon M. Habermann, “plus les entreprises sont grandes, moins les différences sont importantes entre les sociétés par action et les entreprises familiales”.

D’où la multiplication de rachats spectaculaires où celles-ci jouent un rôle central. Et la crise financière qui fragilise les sociétés cotées pourrait bien renforcer cette tendance, d’autant que les caisses des groupes familiaux sont pleines, préviennent les experts.

 29/07/2008 08:57:23 – Â© 2008 AFP