Le gâteau des émigrés


Par Mohamed Fateh

Une pâtisserie tunisienne qui a réussi à imposer sa marque, et même à
l’exporter veut sa part du gâteau émigré. Un industriel spécialisé dans la
faïence compte aussi sur nos «travailleurs de l’étranger» pour mieux
véhiculer son savoir-faire. Naviguer entre «traditions et modernité»,
histoire d’allier les arabesques aux flux financiers. Sans parler des
banques qui multiplient et développent de nouveaux produits pour capter les
euros de cette clientèle tunisienne particulière car résidant à l’étranger.
Les sociétés spécialisées dans les transferts de fonds font partie des
sponsors. A noter que celles-ci ont le vent en poupe, puisqu’elles
permettent d’envoyer des devises au pays, même quand on n’a pas de compte
bancaire à l’étranger. Autant dire que même les «irréguliers» peuvent
apporter ainsi leur quote-part à leurs parents et à la mère patrie par la
même occasion… Ce qui permet à ces officines de prélever des taux
substantiels sur les transferts en question. Il n’y a pas de «sots» profits.
Le business obéissant à ses propres lois morales…

 

Les nouveaux produits bancaires choisiront de doux noms comme Yasmine, sans
doute pour parfumer les billets à la douce odeur du pays. On mettra alors
les petits plats dans les grands pour leur réserver le meilleur accueil à
nos enfants de retour.

 

Autant de sponsors pour des affiches, saluant enfin la venue des enfants
(exportés) de la Tunisie. C’est que la manne est désormais estimée à sa
juste valeur. Et les émigrés tunisiens de plus en plus nombreux. Cadeaux
dans des pochettes surprises. Streetmarketing et autant de dépliants
distribués. Autant dire que l’on a sorti les gros moyens. Et pour cause.

 

Quand notre balance commerciale est prise en défaut, hausse des prix des
hydrocarbures oblige, nos concitoyens de l’étranger contribuent à rétablir
les équilibres financiers. Les sources officielles l’affirment sans détour :
«Les transferts de fonds effectués par les Tunisiens à l’étranger
constituent une des principales sources de devises pour le pays. Ils sont
d’un apport déterminent surtout au niveau de la balance des paiements et de
la réserve nationale en devises. Durant les vingt dernières années, les
transferts enregistrés ont été évalués à 21.825 MDT». Un pactole. Le
Tunisien n’oublie pas son pays. Même quand il s’exporte, il rapporte des
devises fortes.

 

Et un émigré c’est bien mieux qu’un chômeur diplômé. La «fuite des cerveaux»
est devenue un slogan de vieux tiers-mondistes sur le retour. Aujourd’hui,
d’officiels offices se chargent du reste de trouver des débouchés extérieurs
à notre excédent de jeunes cadres dynamiques inemployés. Les mêmes sources
officielles sont claires : «durant la période 1987-2007, les Tunisiens
établis à l’étranger ont créé 10.303 projets d’un montant global
d’investissement de l’ordre de 385 MDT générant 43.912 emplois».

 

Seulement, il y a un petit problème. La libre circulation des biens passe
avant celle des hommes. Malgré certaines conventions qui nous dorent la
pilule au soleil de l’été. Et certains s’étonnent encore de voir nos jeunes
prendre les chemins de traverses et de la clandestinité. Heureusement que le
Tunisien n’oublie pas son pays. Même quand il s’exporte.