Voici
le récit d’un témoignage d’une victime s’étant confiée il y a quelques
petites années de là aux responsables de l’Association Tunisienne des Femmes
Démocrates. En fait, il y a eu d’autres témoignages, mais ils se ressemblent
tant et si bien (à quelques faits près) que celui que nous présentons
ci-dessous peut constituer une illustration suffisante.
Madame S.N., chef de service dans une entreprise publique, rapportait ceci :
«A la reprise de mon travail après un congé de maternité, il (son directeur)
a commencé à se comporter avec moi d’une manière irrespectueuse, en ce sens
qu’à chaque fois que je lui passais des documents de travail, il s’emparait
de ma main, allant une fois jusqu’à passer sa main autour de ma taille alors
que j’escaladais les escaliers. Puis, un jour, je lui ai téléphoné pour
l’aviser d’une course familiale pouvant me retenir quelques moments ; alors
il m’a fait savoir qu’il passait des nuits entières à rêver de moi. Mais un
jour, il m’a demandé de le remplacer quelque temps juste pour répondre à
d’éventuels coups de téléphone. A son retour, et alors que je m’apprêtai à
quitter son bureau, il m’a attrapée par la main et poussée contre le mur
avec la nette intention de m’embrasser. Je l’ai repoussé à mon tour et fui
le bureau sans trop savoir ce que je devrais faire. Ce scénario s’est
reproduit plusieurs fois de sorte que j’étais devenue tout le temps sur mes
nerfs… Plus tard, j’ai dû demander ma mutation à un autre service en
menaçant de divulguer les agissements de mon patron. J’étais effectivement
mutée, sauf que mon nouveau directeur a en quelque sorte pris la revanche de
son collègue : irrespect, insultes, refus de mes demandes de sortie même
dans des situations critiques, refus de congé, etc.
Quelque temps plus tard, un jour que mon nouveau-né était malade, j’ai
envoyé par fax deux certificats médicaux de cinq jours chacun. A la reprise,
je me suis vu adresser un questionnaire pour…absence irrégulière, suivi le
même jour d’une décision de sanction du premier degré (rappel à l’ordre),
car j’ai fini par comprendre que toutes les décisions me concernant étaient
le fait de mon ex directeur. Mon état était tel que je me suis présentée
chez un psychiatre qui m’a délivré un certificat de maladie d’un mois, puis
un autre de quinze jours. Pourtant, je me suis vu amputer mon salaire de
quatre jours, soit par pique pour avoir adressé au président directeur
général une plainte contre ses agissements ignobles. Curieusement, il m’a
paru ensuite regretter son comportement ; il m’a appelée dans son bureau
pour s’excuser en me suppliant de retirer ma plainte et avec la promesse de
ne plus revenir à la charge. Ce fut ainsi pendant un certain temps…
Mais il est revenu à la charge. Un jour, il m’a appelée dans son bureau pour
me faire remarquer que je n’avais pas vraiment des doigts soignés comme
toutes les femmes. Je lui ai dit que je suis mère d’un enfant et que cela ne
signifiait plus rien pour moi les soins et les coiffures d’une jeune
demoiselle. Il m’a répondu : «Ah si seulement je t’avais connue avant, je ne
t’aurais pas ratée…». Le lendemain, je lui ai demandé de me restituer la
rémunération des quatre jours amputés de mon salaire. Il m’a répondu :
«Donne-moi un bisou de là, et je rectifierai le tir». Par ‘‘de là’’, il a
désigné ma bouche. J’ai dû hurler de rage dans son bureau.
Sur l’insistance de mes collègues, j’ai soumis au Pdg une deuxième plainte,
suivie d’une confrontation, dans le bureau de ce dernier, entre moi et mon
ignoble directeur qui a de nouveau semblé regretter ses agissements. Ma
plainte est restée lettre morte».