GB : BAE et ses clients saoudiens libérés de la justice, pas du soupçon

 
 
photo_1217438377145-1-1.jpg
Logo de BAE Systems (Photo : Pierre Verdy)

[30/07/2008 17:21:27] LONDRES (AFP) La Chambre des Lords, plus haute instance d’appel au Royaume-Uni, a validé mercredi la clôture pour raisons de sécurité nationale d’une enquête en corruption visant le groupe d’armement BAE Systems et des officiels saoudiens, mais elle l’a fait apparemment avec un peu de regret.

La décision met fin à un dossier qui avait permis de faire toucher du doigt les pratiques commerciales existant entre BAE Systems et le gouvernement saoudien, dans deux contrats d’avions militaires de plusieurs dizaines de milliards de dollars, signés en 1985 — celui qui a motivé l’enquête — puis l’an dernier, après l’arrêt de cette enquête.

Les “Law Lords” ont jugé mercredi que le Serious Fraud Office (SFO), l’instance de lutte contre la délinquance en col blanc, n’avait pas agi illégalement le 14 décembre 2006 lorsqu’il avait clos son enquête.

Cette clôture avait fait scandale, d’autant que n’ont jamais été vraiment démentis les détails régulièrement publiés par le journal Le Guardian sur les avantages en argent et en nature consentis par BAE à un grand ministre saoudien dans cette affaire.

Mais la décision avait été soutenue à l’époque par le Premier ministre Tony Blair en personne. Il avait argué des risques à la sécurité nationale qu’aurait selon lui entraîné un refroidissement des relations avec l’Arabie Saoudite, notamment en remettant en cause la coopération antiterroriste entre les deux pays.

L’affaire qui paraissait enterrée a rebondi le 10 avril lorsque la Haute Cour de Londres a jugé illégale la clôture du dossier, à la demande de deux associations luttant contre les armes et la corruption, Campaign Against Arms Trade (CAAT) et Corner House.

La Haute Cour avait estimé que Robert Wardle, directeur du SFO à l’époque, n’avait pas tout fait pour résister aux menaces. “Personne, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de ce pays n’est en droit d’interférer avec le cours de notre justice”, avaient tonné les juges.

Mais le SFO a fait appel et mercredi, cinq Lords, siégeant comme juges suprêmes, ont considéré unanimement sa décision comme légale.

Ils n’ont cependant pas caché un certain malaise. Ainsi Lord Bingham a-t-il jugé que le directeur du SFO “avait été confronté à une vilaine menace, manifestement malvenue”.

La baronne Hale a affirmé de son côté qu’il est “parfaitement détestable qu’un officiel indépendant se sente obligé de laisser libre cours à une menace quelconque”. Malgré tout, elle a estimé elle aussi que “la décision du directeur était légale”.

Nicholas Hildyard, de Corner House, a considéré tristement “qu’on savait désormais où on en était au Royaume-Uni”, estimant que “les gens peu scrupuleux ayant des amis bien placés à l’étranger acceptant de proférer de telles menaces” allaient pouvoir se réjouir.

Il a appelé à changer la loi, afin d’empêcher désormais le gouvernement britannique “d’invoquer la +sécurité nationale+ pour ignorer les lois anti-corruption internationales”.

Symon Hill de CAAT s’est consolé pour sa part en estimant que le gouvernement avait été dans cette affaire “jugé au tribunal de l’opinion publique, qui sait que le Royaume-Uni sera meilleur quand BAE ne tirera plus les ficelles”.

BAE Systems a refusé de commenter l’arrêt, arguant que ce débat autour d’une décision du SFO ne la regardait pas. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud Al-Fayçal, avait pour sa part considéré ce procès en avril comme “une affaire intérieure” britannique.

Le dossier n’est cependant pas clos, puisque les mêmes allégations de corruption visant BAE et les Saoudiens font toujours l’objet d’une enquête aux Etats-Unis où BAE est très implanté.

 30/07/2008 17:21:27 – Â© 2008 AFP