Adel Grar : “Notre rôle est le redressement des sociétés”


Propos recueillis par Mohamed BOUAMOUD

adel-grar1.jpgDirecteur
général d’
Amen
Invest depuis une bonne dizaine
d’années et dont il vient d’être nommé président directeur général il y a
tout juste trois mois, M. Adel Grar (lire son parcours dans la 3ème
partie de ce dossier) nous amène ici un peu plus au fond des choses.

 


Webmanagercenter : Qui,
d’Amen Invest ou de l’entreprise en difficulté, va voir l’autre ? Qui fait
appel à l’autre ?

 


Adel Grar :

En ce qui concerne l’entreprise à besoin de financement,
elle présente souvent des symptômes au niveau de la trésorerie, mais le chef
de l’entreprise n’en connaît pas exactement le diagnostic qui est à
l’origine de ces symptômes, autrement dit il ne sait pas ce qui ne va pas et
ce qui pourrait aller ; bref, il n’a pas de solution. C’est à nous donc
d’identifier, à travers un diagnostic, l’origine de ces symptômes que le
chef, lui, ne peut voir tant il est pris par ses activités courantes. A nous
d’apprécier s’il s’agit d’un manque de fonds de roulement, ou une société
foncièrement pas rentable dont il faudrait réorienter les produits, voire le
processus de fabrication. C’est comme chez les individus : il y a des
maladies graves, d’autres moins graves, certaines sont temporaires, alors
que d’aucunes sont carrément chroniques. C’est comme ça que cela se passe au
niveau de l’entreprise.


 


Chroniques jusqu’à
quand ?

 

Quand c’est chronique, il
faut mettre en œuvre une réflexion stratégique quant à l’avenir de cette
société pour qu’elle puisse se positionner par rapport à l’avancée du
marché, à l’évolution des besoins, et se positionner par rapport à son
propre environnement. A titre d’exemple : certains secteurs d’activités
évoluent à la faveur de grandes entreprises multinationales ; survivre entre
les multinationales c’est possible, mais c’est toujours risqué. Partant de
là, il faudrait définir une stratégie. Autre exemple : j’ai une société de
taille petite par rapport à l’international –qui, du reste, peut être
moyenne par rapport à la taille tunisienne. Mon objectif est : ou
d’accompagner mon entreprise à un niveau qui lui permette d’attirer un
investisseur du métier en vue d’en devenir un jour actionnaire et ouvrir le
capital afin d’adosser cette entreprise à une structure internationale tout
en restant tunisienne bien sûr ; ou alors mon objectif est de créer une
entreprise avec l’optique de la revendre dans dix ans. C’est aussi une
manière de préserver la vie de l’entreprise, parce que la rotation du marché
de l’entreprise c’est souvent –quand cela se passe dans de bonnes
conditions– bien pour l’entreprise.

 

Nous, notre souci c’est
qu’à partir du moment où on crée une entreprise, cela devient comme un être
humain, on cherche aussi son propre intérêt indépendamment de celui qui l’a
créée. Le propriétaire ou le chef d’entreprise qui a monté de toutes pièces
cette entreprise en garde les droits sociaux et le droit de propriété, mais,
dans un deuxième temps, le souci est de penser à la pérennité de
l’entreprise en tant que personne morale. Il faudrait que celui qui a créé
l’entreprise la considère comme étant un être social qu’il doit respecter.
Parce qu’il en possède le capital, il en est propriétaire, mais la société
doit agir dans l’intérêt de tous ses acteurs : répondre aux droits de ses
clients, satisfaire le personnel, pouvoir générer des bénéfices, contribuer
au budget de l’Etat à travers les impôts qu’elle paie, et faire face aux
risques juridiques qu’elle rencontre vis-à-vis de tous les acteurs qui
l’entourent en amont et en aval (fournisseurs, clients, etc.).

 

Par conséquent, le
gestionnaire d’une entreprise doit jouer en tant que plate-forme,
c’est-à-dire essayer de satisfaire tous ses acteurs, y compris les
propriétaires de l’entreprise qui cherchent à maximiser leurs revenus à
travers un meilleur dividende ou un meilleur bénéfice. La finalité c’est au
bout du compte d’agir dans l’intérêt de l’actionnaire ; or, un actionnaire
majoritaire et en même temps gestionnaire de l’entreprise ne doit pas penser
qu’à lui-même, mais à l’intérêt de la Société.

 

Aussi, la deuxième phase
que nous devons vivre aujourd’hui notamment à travers la transmission de
l’entreprise est-elle la séparation partielle ou totale entre la propriété
(actionnariat) et le management. On peut être très bon promoteur de projet
et créer son entreprise, mais s’avérer un mauvais gestionnaire. Dans ce cas,
il faudrait se dire que si on est mauvais gestionnaire, c’est toute
l’économie tunisienne qui perd, pas seulement l’entreprise en question.

 


Et c’est à vous, donc,
d’intervenir ?

 

Nous, on fait du conseil.
Conseiller, c’est déjà sensibiliser à identifier le problème –d’où le terme
diagnostic. Une entreprise qui devient non rentable présente déjà un
problème de trésorerie qui ne lui permet plus de payer les salaires.


 


Et là qu’est-ce que vous
faites ?

 

On remonte à l’origine
pour identifier le fondement. Cela peut être une société mal financée, ou
qu’elle perd de l’argent sur le plan exploitation. Si c’est le cas, ou son
produit n’est plus adapté au marché, ou que son coût de production est
élevé. Nous, on essaie de proposer le management, c’est-à-dire le
redressement de la société.


 


Vous financez ?

 

En fait, le financement
est le dernier recours. Un intermédiaire en Bourse ne finance pas
directement –sinon cela devient le financement direct, et là c’est le rôle
des banques. D’ailleurs, la meilleure façon d’éviter les conflits d’intérêt
serait de séparer celui qui accompagne et conseille, de celui qui finance.
Nous, nous conseillons et accompagnons ; nous diagnostiquons et proposons
des solutions ; et nous orientons vers un instrument de financement qui est
le marché financier (c’est pour cela qu’on appelle : intermédiaire en
Bourse). Du moment qu’on ne finance pas, on est rémunéré sur notre conseil,
ce qui veut dire que nous sommes tenus de convaincre le client. Ce n’est
point facile tout cela car parfois l’origine du problème est ailleurs.


 


Ailleurs ?…, je ne
comprends pas…

 

Parfois une société
n’arrive pas à payer les salaires parce qu’elle présente une trésorerie
serrée : un bon produit, un bon processus de fabrication, mais un problème
de management car le père a l’habitude de gérer à sa manière, cependant que
le fils, qui vient de débarquer des Etats-Unis par exemple, veut imposer la
sienne. Cela pose un problème de management entre l’équipe du père et celle
du fils, et cela devient un conflit de générations, et un conflit de méthode
de travail. Entre temps, la Société peut souffrir dans un contexte
concurrentiel de plus en plus important.


 


Revenons à ma question :
qui va voir l’autre ? Sont-ce les Sociétés qui viennent vous consulter ?

 

C’est rare qu’une Société
vienne solliciter des conseils. On va dire : un tiers des Sociétés viennent
nous voir, mais c’est nous qui allons voir les deux autres tiers juste pour
des opérations de sortie sur les marchés, et à partir de là, on tient le
bout du fil conducteur et on remonte dans la chaîne pour voir si la Société
est tout à fait prête pour aller sur le marché –j’avoue que c’est très rare.
Si elle n’est pas prête, on cherche ce qu’il y a à faire, et on propose au
client ce qu’on a à faire. C’est un marché difficile d’accès mais c’est un
marché où il y a un taux de fidélité important. Je m’explique : si on
réussit à mener une telle mission, on a souvent un retour de la clientèle à
un taux de fidélité assez important.


 


On dit qu’
Amen
Invest

est une Société très discrète.
Pourquoi
 ?

 

Je ne sais pas si c’est
une qualité ou un défaut. En ce qui concerne l’activité d’ingénierie
financière, elle ne peut se développer que dans la discrétion –en termes
d’activité et d’agressivité commerciales. Nous avons un gros gisement
d’entreprises ou de groupes d’entreprises privées essentiellement avec
lesquelles on travaille. Et comme il s’agit de rentrer dans les détails de
ces entreprises-là, il va sans dire qu’on gagne plus la confiance du client
en se présentant comme étant une Société discrète.

Aujourd’hui, notre base
de clientèles a plus que doublé en trois ans, cependant que notre business
en ingénierie financière est en net développement.

 

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