[11/08/2008 19:04:52] PARIS (AFP) La Géorgie a beaucoup à perdre sur le plan économique dans l’actuel conflit avec Moscou, qui pourrait faire fuire les investissements étrangers et mettre un terme à une période de très forte croissance. Au quatrième jour des affrontements, la Russie a pour la première fois annoncé lundi après-midi l’entrée de ses troupes dans l’ouest de la Géorgie, non loin de la région séparatiste d’Abkhazie. “Les investisseurs étrangers, qui ont joué un rôle clé dans la bonne performance du pays, pourraient prendre peur”, a indiqué à l’AFP Trevor Cullinan, analyste de l’agence de notation Standard and Poor’s (SP). Après les difficiles années de transition et les conflits qui ont suivi son indépendance en 1991, la Georgie vit un véritable boom économique. Depuis la “révolution des roses” en 2003, le pays est l’un des plus dynamiques de l’ancienne Union soviétique et de nombreuses réformes commencent à porter leurs fruits, saluées par les institutions financières internationales, comme la Banque Mondiale. La croissance a dépassé 10% en 2006 et 2007, et était attendue autour de 8% cette année. L’économie du pays repose largement sur l’agriculture, qui représente 30% du Produit intérieur brut (PIB), mais le secteur manufacturier, la construction et les télécommunications se développent. Idéalement situé entre la mer Caspienne et la mer Noire, le pays s’est surtout imposé comme le point de passage obligé pour acheminer le pétrole et le gaz d’Asie centrale vers l’Europe en évitant la Russie et l’Iran, ce qui lui procure d’importants revenus.
Depuis l’entrée en service en 2006 de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, la Géorgie est en train de devenir “une plateforme régionale de transport d’énergie”, remarque M. Cullinan, alors qu’elle ne dispose d’aucunes ressources d’hydrocarbures propres. Actuellement fermé après un acte de sabotage commis en Turquie, le “BTC”, qui devrait transporter 1 million de barils par jour de pétrole d’ici 2009, a notamment permis à la Georgie de réduire sa dépendance énergétique envers la Russie en augmentant ses approvisionnements depuis l’Azerbaïdjian. Ce qui n’est pas du goût de Moscou. Les relations entre la Russie et la Géorgie n’ont cessé de se dégrader depuis l’arrivée au pouvoir en 2004 du président pro-américain Mikheïl Saakachvili. En 2006, Moscou a suspendu ses liaisons aériennes, maritimes, terrestres et ses mandats postaux vers la Géorgie, avec un embargo d’importation sur différents produits. Si le pays a bien résisté à ces sanctions, les hostilités qui ont débuté vendredi menacent son essor encore fragile. Son inflation reste élevée (8% par an), ses comptes publics chroniquement déficitaires, sa corruption endémique et sa population majoritairement pauvre. Dès vendredi, SP a abaissé la note de solvabilité pour le pays, baromètre des investisseurs. “Des dépenses d’armement plus élevées que prévu vont aussi mettre en danger les objectifs de consolidation budgétaire du gouvernement”, précise l’agence de notation. La place stratégique de la Georgie pourrait également être fragilisée. “A travers ses opérations militaires d’envergure, la Russie voit aussi une opportunité de montrer que la région n’est pas sûre pour de futurs oléoducs”, remarque Isabelle Facon, chercheuse au Fonds pour la recherche stratégique. Le port de Poti, le principal du pays, a été visé par des bombardements russes, sans faire apparemment de dégâts importants. La Russie risque elle de voir son image encore dégradée auprès des investisseurs étrangers, et ses relations commerciales avec l’Union européenne et les Etats-Unis se refroidir, même si elle dispose d’une arme de dissuasion de taille avec ses immenses ressources énergétiques. |
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