Etats des lieux :
Tout au long des études secondaires et
universitaires, les familles tunisiennes, unanimes dans la sacralisation du
parcours scolaire de leurs enfants, vivent cette période dans une forme
d’urgence et d’anxiété dominées par la crainte de voir leur progéniture, en
raison d’une défaillance ou d’une chute subite au niveau de certaines
matières de base, prendre une mauvaise filière, signe inéluctable, d’après
eux, d’une dévalorisation professionnelle annoncée d’avance. En effet, en
Tunisie, l’idée que tout est joué et décidé à 25 ans prévaut dans la
conscience collective d’une jeunesse éprise de réussite, de dépassement et
de reconnaissance sociale.
Alors que les pouvoirs publics ont entamé,
depuis quelques années, avec l’appui de l’Union européenne (signature le 03
Avril 2006 d’une convention avec le Ministère de l’Education et de la
Formation couronnée d’un don de 30 millions d’Euros et l’attribution de 48
millions d’Euros pour le compte de l’Enseignement supérieur en Septembre
2004), la modernisation de l’ensemble des structures pédagogiques du pays,
la promotion des filières prometteuses et le renouvellement des
enseignants-chercheurs tout en améliorant le taux d’encadrement d’une masse
estudiantine dont l’appréhension vis-à-vis de l’avenir demeure, malgré tout,
tangible.
En effet, massivement investis de 18 à 23
ou 24 ans dans de longues études censées aboutir sur un diplôme et aussitôt
après sur un emploi reflétant des années d’abnégation et de persévérance,
les jeunes tunisiens, conscients des enjeux à venir, pensent qu’il leur est
interdit de louper le coche. Qu’ils n’auront pas le droit à une seconde
chance. D’où cette peur, parfois irrationnelle, de l’avenir, de l’échec et
de l’image d’un éternel décalé. Le choix des études, dans ce contexte
exacerbé sur le plan émotionnel, prend une importance primordiale puisque
l’intériorisation très forte du poids du diplôme, ajoutée à la peur de
rejoindre la cohorte des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur en
attente d’intégration dans le circuit économique du pays, exerce une
pression très anxiogène.
Penser les études autrement :
L’Etat tunisien devrait plutôt permettre
aux jeunes générations montantes de trouver leur voie par le biais d’une
alternance institutionnalisée entre études et emploi en envisageant le long
parcours de la scolarité des apprenants entrecoupée de passages en
entreprise. On peut, à l’instar des pays scandinaves, souvent cités en
exemple sur le plan éducationnel, avoir un bac+2, s’essayer à plusieurs
métiers et retourner à 27 ans à l’université. L’expérience ainsi accumulée
compte tout autant que le diplôme et valorise fortement un CV chez les
employeurs potentiels. Les pouvoirs publics ont un grand rôle à jouer dans
cette liberté à multiplier les expériences, à favoriser les différentes
passerelles de l’apprentissage de la vie et à encourager les processus
d’autonomie, condition sine qua non de l’émergence de générations dotées
d’une vision positive et très ascensionnelle de l’avenir.
La possibilité de se construire, de
s’autonomiser et d’être opérationnel au bout d’un long cursus éducationnel
tout en évacuant la peur de la sanction en cas d’erreur de parcours,
accentue, d’après certains psychologues et didacticiens, la confiance chez
les apprenants, prolonge de fait le temps de la jeunesse et revitalise les
rapports sociaux en favorisant l’installation d’un climat serein,
dépassionné et fusionnel.
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