Le climat managérial en Tunisie


Par Imededdine BOULAABA

Qu’est-ce qui fait qu’un groupe ou
un collaborateur se met à sortir des sentiers battus dans sa manière
d’aborder les situations professionnelles, qu’il commence à proposer des
solutions innovantes ou à tenter des expériences nouvelles ? Et quand il le
fait, comment l’entreprise le perçoit-elle ? Le soutient-elle, le
promeut-elle ou au contraire l’ignore-t-elle ? Au-delà des slogans, les
cadres intermédiaires en Tunisie ont-ils réellement une marge de manœuvre
suffisante pour être créatifs, performants et entreprenants ?

Innovation et management

«Innovation et créativité sont le leitmotiv des discours managériaux, des
pouvoirs publics et de l’ensemble de l’establishment financier du pays. Mais
au-delà des mots, si des collaborateurs et des cadres ont des idées, nombre
d’entre eux hésitent à les exprimer car le contexte managérial ne le
favorise pas», souligne un ancien syndicaliste reconverti aujourd’hui dans
les affaires qui explique aussi le comportement timoré et sceptique de
certains en raison de la divergence, parfois, entre le discours patronal et
sa mise en pratique, des injonctions paradoxales (comme le «sois créatif !»)
et les doubles contraintes entrepreneuriales évoquées souvent en guise d’un
refus poli. Les freins supplémentaires à l’expression des idées dans
certaines entreprises familiales de renom trouvent leur explication, insiste
notre interlocuteur, dans des valeurs patriarcales rigides, réfractaires,
par essence, à l’émiettement de l’autorité, à la controverse et à
l’émergence d’un pôle d’idées concurrent.

«Généralement, les initiatives dans le monde industriel sont bien
accueillies si la confiance envers l’employeur est garantie, l’élévation
dans la hiérarchie confirmée et les propositions valorisées», nous dit M.
Adel Ben Achour, président-directeur général du Groupe Mory Tunisie pour qui
toute bonne idée susceptible d’améliorer l’efficacité de l’entreprise est
immédiatement mise en chantier grâce à un processus clair permettant,
ajoute-t-il, de faire émerger un climat compétitif entre les différents
collaborateurs tout en faisant la part belle à l’innovation dans les choix
stratégiques de l’entreprise dont le principal objectif, vue l’importance
des ressources humaines dans la pérennité de l’acte productif, est de
soutenir la production d’idées, le goût du neuf et la passion de la
découverte chez une catégorie d’employés avide de compétition, de mobilité
et de conquête.

L’heure est à la créativité


«Une politique d’ouverture, de communication et d’émulation au sein de
l’entreprise a un impact considérable sur les collaborateurs en termes
d’engagement, de présence mentale et de motivation. Fondamentalement, la
créativité est stimulante, énergisante car elle est source de richesse et
d’épanouissement pour l’ensemble du personnel», renchérit M. Hamadi Ben
Sedrine, vice-président de l’U.T.I.C.A, chargé du volet social, qui appelle
au développement, dans les structures productives, d’un climat à même de
favoriser la recherche d’idées, de mobiliser les énergies positives et de
promouvoir, chez cette avant-garde, l’aspiration au changement, à la
rentabilité et à la profitabilité.

Finalement, la créativité et l’investissement de soi dépendent du rapport de
confiance que le collaborateur établit avec son environnement et les
personnes qui l’entourent. Si l’on ne peut pas se fier à la direction ou à
ses collègues, si on vit dans l’insécurité de l’emploi, il n’y a pas de
raison d’être créatif. Au contraire, la peur et le stress seront, dans ce
cas là, des facteurs décisifs de résistance au changement et aux velléités
réformatrices de l’entreprise.