Inde : Tata arrête le chantier de l’usine de l’auto la moins chère du monde

 
 
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ère du monde présentée le 10 janvier 2008 à New Dehli par Ratan Tata (Photo : Manan Vatsyayana)

[03/09/2008 15:00:10] NEW DELHI (AFP) L’indien Tata Motors a arrêté la construction dans l’est de l’Inde d’une usine censée produire la voiture la moins chère du monde, en raison de manifestations hostiles de paysans, au moment où le géant asiatique veut attirer davantage d’investisseurs industriels.

Le premier groupe automobile national, qui a fait sensation en mars en achetant à l’américain Ford ses fleurons britanniques Jaguar et Land Rover espérait lancer en octobre sa Nano, vendue 2.500 dollars.

Ce véhicule à ultra bas coûts devait être assemblé dans une usine quasiment achevée à Singur, au Bengale occidental, mais Tata envisage maintenant de délocaliser la production ailleurs en Inde.

Le site de Singur, près de Calcutta, était de facto à l’arrêt depuis vendredi après que des dizaines de milliers de manifestants l’eurent encerclé pour protester contre la réquisition de terres agricoles.

Tata Motors a déploré avoir été “contraint de suspendre la construction de l’usine compte tenu de l’agitation et les conflits qui s’y poursuivent”.

Des partisans de Tata, hurlant “Nous vous tuerons si vous arrêtez la Nano!”, se sont battus avec des opposants qui “exigent (leurs) terres”.

Un homme, dont les fils travaillaient dans l’usine, s’est suicidé, a annoncé la police.

Les déboires de Tata constituent “un jour malheureux pour le Bengale occidental”, a regretté son ministre de l’Industrie, Nirupam Sen, priant Tata de revenir sur sa décision.

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à Singur (Photo : Deshakalyan Chowdhury)

Mais “nous n’avons pas le choix, nous avons une industrie à faire tourner, des délais à respecter”, lui a répondu un responsable du groupe de Bombay.

Ratan Tata, le président du conglomérat éponyme, a menacé fin août de délocaliser la production de la Nano si les manifestations ne cessaient pas au Bengale occidental dirigé depuis 30 ans par le parti communiste d’Inde, très favorable aux investissements locaux et étrangers.

Depuis, d’autres Etats indiens ont proposé d’accueillir Tata.

Il faut dire que ce conglomérat est une icône en Inde –avec 98 filiales allant du thé à l’acier– et un champion de la mondialisation qui a dépensé des dizaines de milliards de dollars pour rafler des sociétés en Occident et en Asie.

Outre sa dernière prise de Jaguar et Land Rover, il s’est emparé en 2007 du sidérurgiste anglo-néerlandais Corus pour 13 milliards de dollars, la plus grosse acquisition jamais réalisée à l’étranger par une entreprise indienne.

Tata a investi 350 millions de dollars à Singur pour y assembler 250.000 unités par an de cette Nano destinée aux Indiens qui circulent en motocyclette. Cette mini-voiture rudimentaire de 600 cm3 de cylindrée avait été dévoilée au monde entier en janvier.

Mais depuis, Singur est le théâtre de violentes actions de militants politiques et de paysans ulcérés devant la réquisition par le gouvernement de terres agricoles pour les transformer en zones industrielles.

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ésident du conglomérat Tata, à Bombay le 28 août (Photo : Sajjad Hussain)

L’Inde, qui se rêve en superpuissance égale de la Chine, a lancé depuis 2005 des centaines de projets de zones économiques spéciales (ZES), qui sont des enclaves industrielles privées, exemptées d’impôts et dotées de solides infrastructures, pour attirer des entreprises étrangères et locales.

Le géant asiatique, au taux de croissance de 8%, veut maintenir ce rythme en dopant son industrie, qui ne représente que 28% de son Produit intérieur brut.

Inquiet pour “la réputation mondiale” de l’Inde, Mukesh Ambani, le président du conglomérat Reliance Industrie, a qualifié la crise de la Nano de “contre-productive pour attirer des investissements internationaux”.

“Si Tata peut être confronté à tant de résistance, la nécessaire industrialisation du pays va en souffrir”, a renchéri Sunil Mittal, patron de l’opérateur téléphonique Bharti Airtel.

Les investissements directs étrangers en Inde se montent à 20 milliards de dollars annuellement. Quatre fois moins qu’en Chine.

 03/09/2008 15:00:10 – Â© 2008 AFP