Le Nobel de la paix Yunus sur le sentier de la guerre contre Telenor

 
 
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évrier 2008 à Paris (Photo : Eric Piermont)

[05/09/2008 11:49:24] OSLO (AFP) Protagonistes inhabituels d’un conflit hors du commun, un prix Nobel de la paix, le Bangladais Muhammad Yunus, et un géant des télécoms, le norvégien Telenor, se déchirent ouvertement, incapables de s’entendre sur le sort de leur filiale commune, GrameenPhone.

Leader de la téléphonie mobile au Bangladesh, GrameenPhone est détenu à hauteur de 62% et de facto administré par Telenor. Via une filiale de la Grameen Bank, sa banque spécialisée dans le micro-crédit pour les plus démunis, M. Yunus possède les 38% restant.

Un rapport de forces qui semble convenir à l’opérateur norvégien mais que le “banquier des pauvres” souhaite renverser.

Après plusieurs affaires qui ont mis à jour les liens entre GrameenPhone et des fournisseurs et sous-traitants bangladais ayant recours au travail des enfants, M. Yunus a critiqué “l’insensibilité” et “l’inefficacité” de l’actuelle direction et menacé Telenor d’un procès.

Ces affaires “me laissent peu d’alternatives que d’envisager des poursuites judiciaires pour protéger les intérêts de millions de pauvres (…) qui seront les principaux bénéficiaires si l’entreprise passe sous contrôle bangladais”, a-t-il affirmé dans un communiqué jeudi soir.

Son intention est d’en faire un “social business”, une entreprise qui réinvestit ses bénéfices dans des projets sociaux plutôt que de verser des dividendes aux actionnaires.

Un accord lie déjà la Grameen Bank au groupe agroalimentaire français Danone au Bangladesh. Avec le lait collecté dans des micro-fermes, ce dernier fabrique des yaourts hautement nutritifs, les bénéfices étant destinés à la construction d’une nouvelle usine.

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ée (Photo : Holm Morten)

Pour arriver à ses fins, M. Yunus invoque un “accord écrit” remontant à 1996 et qui stipulait que Telenor céderait une majorité de contrôle à ses partenaires bangladais dans les six ans.

Cette promesse n’a jamais été honorée.

Car, avec plus de 20 millions d’abonnés fin juin, GrameenPhone est devenue une activité très lucrative pour Telenor, septième opérateur mondial de téléphonie mobile avec plus de 143 millions d’abonnés fin 2007, devant des géants comme le français Orange ou l’allemand T-Mobile.

Détenu à 54% par l’Etat norvégien, Telenor explique aujourd’hui qu’il n’était pas légalement tenu par l’accord, arguant qu’il ne s’agissait que d’une “déclaration d’intention”.

“J’espère encore que des procédures judiciaires s’avéreront superflues et que les propriétaires de Telenor demanderont à l’entreprise d’honorer l’intention exprimée en 1996”, a précisé M. Yunus dans un appel du coude au gouvernement norvégien.

Celui-ci se garde bien de s’impliquer dans le conflit. “Il s’agit avant tout d’une affaire qui regarde M. Yunus, son entreprise et Telenor”, a commenté vendredi la ministre du Commerce et de l’Industrie, Sylvia Brustad, citée par l’agence NTB.

Pour tenter de désamorcer le conflit, le directeur général de Telenor, Fredrik Baksaas, et M. Yunus s’étaient rencontrés jeudi. Sans que l’éventualité d’un procès ait été soulevée, selon l’opérateur norvégien.

“Nous sommes déçus et surpris par la tournure qu’ont pris les choses après cette rencontre”, a déclaré à l’AFP Paal Kvalheim, un porte-parole du groupe.

Dans le même souci d’apaisement, Telenor envisage depuis plusieurs mois d’introduire partiellement GrameenPhone en Bourse.

“On y travaille. On a initié un +road show+ au Bangladesh pour rencontrer les investisseurs et une introduction en Bourse pourrait intervenir à l’automne”, a affirmé M. Kvalheim.

“Mais, en tout état de cause, nous avons l’intention de conserver un contrôle majoritaire”, a-t-il précisé.

Une solution par conséquent inacceptable pour le “banquier des pauvres”.

 05/09/2008 11:49:24 – Â© 2008 AFP