Si nos blogueurs font
parfois le bonheur de leurs lecteurs, leurs piques (certains diraient leurs
dérives) verbales ne sont pas toujours du goût de tout le monde. Il faut
dire que ces petits journaux personnels et personnalisés en ligne font pas
mal de vague dans le paysage médiatique national. On veillera donc au grain
pour que les vagues en questions ne tournent pas au tsunami. Histoire de ne
pas créer davantage de remous, dans ce qui n’a été finalement qu’une tempête
dans un verre d’eau. L’affaire Facebook est là pour en attester.
Mais pour faire avancer
les choses, et estimer le phénomène à sa juste valeur, des scientifiques ont
voulu dresser le portrait-robot de ces journalistes de l’ombre. Des
chercheurs de l’Université d’Alabama (Etats-Unis), sous la férule d’une
psychologue, Mme Rosanna Guadagno, ont ainsi cherché à déterminer s’il y
avait des points communs partagés par les blogueurs. C’est ce qu’on appelle
dresser un profil psychologique. Autant dire qu’avec des «profiler» de ce
calibre, le film policier à suspens n’est pas loin. Alors stop, on ne joue
plus ! Gare aux plus malintentionnés ! On saura bientôt identifier ceux qui
se cachent sous ces noms d’emprunt ! Pour ce faire, la scientifique a voulu
d’abord répondre à une simple question : «qu’est-ce qui fait blogger les
blogueurs» ? Blague à part, qu’est-ce qui pousse une majorité d’entre nous à
écrire sur ces portails en ligne, usant d’un pseudonyme, brouillant ainsi
davantage les pistes ?
Pour
obtenir une réponse à sa question, la chercheuse a interrogé plus de 300
étudiants. Ces jeunes gens ont été cuisinés comme il se doit. On devait
connaître leurs habitudes, ce qu’ils lisent, ce qu’ils écrivent sur le
web… Une vraie petite enquête quoi, mais scientifique. Pour analyser les
résultats, les chercheurs ont utilisé des grilles de lectures propres à la
psychologie. Mais passons sur les détails. Il apparaît que les blogueurs
interrogés partagent deux traits de caractère principaux : d’une part, ils
ont été jugés «ouverts aux nouvelles expériences» et, d’autre part, sujets
au «névrosisme». Par «ouverture aux nouvelles expériences» les psychologues
entendent le degré d’appréciation de l’art, de l’émotion, de l’aventure, des
idées peu communes, curiosité et imagination. Rien que des bonnes choses,
donc, pour la face lumineuse des blogueurs. Et après tout, pour tenir un
blog, il faut avoir une bonne dose d’ouverture d’esprit, et aimer défricher
les sentiers pas encore battus. Qualité que l’on reconnaîtra aisément à nos blogueurs qui n’ont pas froid aux yeux.
Mais
ils auraient une face cachée nettement plus sombre, celle du «névrosisme».
Il s’agirait ainsi de personnalités instables, qui se mettent (trop)
facilement en colère, souvent inquiètes, vulnérables, et sujettes à la
dépression. Pis : la psychologue a aussi noté que les femmes amatrices de
blogging seraient particulièrement touchées par le «névrosisme» si elles
sont… célibataires ! De quoi remettre en cause l’égalité des sexes dans le
petit monde des blogueurs. Une hérésie pour les Tunisiens, chatouilleux pour
ce qui concerne le Code du Statut Personnel.
En
somme, si nos journalistes de l’ombre trempent de plus en plus souvent leur
plume dans le fiel, si leurs critiques sont de plus en plus acérées, ce
n’est nullement à cause de nos réalités. Ce ne serait dû qu’à leurs
névroses. A soigner ! Quant aux filles qui se permettent des petites phrases
assassines, il n’y aura qu’à les marier pour les calmer !
Bref, les conclusions de la psychologue américaine ne sont pas des plus
réjouissantes. Même si elle rappelle que «ces résultats ne peuvent être
généralisés». L’environnement social de l’échantillon étudié (uniquement des
étudiants, américains de surcroît) est particulier, dit-elle. Tout texte est
donc à mettre dans son contexte. Et Dieu sait que le «contexte» de nos
blogueurs est tout aussi «particulier» !
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