La guérilla du marketing tunisien


Par Mohamed Fateh

Mener une guérilla c’est
faire une guerre avec des moyens peu conventionnels. Le plus souvent,
justement par manque de moyens. Et le Net offre l’une des armes les plus
importantes entre les mains des publicitaires. En ce mois de Ramadan, les
internautes tunisiens l’ont constaté de visu. Décidément, le mois sacré
inspire nos créatifs. Côté tunisien, le Ramadan a été aussi consacré aux
blogs. Les sites web autour de cette thématique se sont multipliés ces
dernières années, sans doute pour profiter de la manne publicitaire qui se
déverse jusqu’ici principalement sur la télé. Il n’empêche. Les initiatives
se sont multipliées, donnant l’occasion à nos jeunes de plus en plus
entreprenants de lancer leur business. Mais gare aux dérives.

Des blogs tunisiens apparemment non-commerciaux, et donc selon toute
vraisemblance appartenant à des particuliers, et non à des entreprises se
sont mis à parler de téléphones portables. Soit. Si la critique est réelle,
et donc si les qualités et les défauts de l’appareil sont examinées en toute
objectivité, pourquoi pas. Ce serait même intéressant pour les internautes
tunisiens de partager leur point de vue pour se fixer, avant une décision
d’achat par exemple.

Seulement voilà. Le e-commerce national n’en finit pas de balbutier, restant
encore à ses débuts. Le webmarketing, lui, et tout ce qui a trait à la
publicité en ligne semble presque démarrer. Campagnes de e-mailing (même si
quelques obstacles ont freiné le phénomène), bannières publicitaires… Mais
aussi des blogs créés de toute pièce pour faire de la réclame. De bonne
guerre. Le consommateur sait clairement qu’il s’agit de publicité, puisque
le site en question appartient clairement à une société.

Mais voilà. Les messages ne sont pas toujours aussi clairs. Un blogueur
doué, qui attire quelques milliers de lecteurs (et il y en a un bon nombre,
même en Tunisie!), se met à poster des messages ambigus. De faux blogs sont
créés, dissimulant leur origine publicitaire. Des forums se retrouvent
envahis par de faux utilisateurs, qui profitent de la renommée et donc de la
caisse de résonance du site web choisi, pour multiplier les messages plus ou
moins déguisée. Or la loi tunisienne est claire. Même si la presse écrite ne
la respecte pas toujours. La publicité doit être facilement distinguée du
contenu informationnel. Un comportement qui risque d’induire les
consommateurs en erreur. Autant de raisons qui ont amené l’Union européenne
à vouloir interdire ce genre de pratiques par une loi régissant le buzz
marketing.

Reste à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Parce qu’après tout, le
webmarketing crée aussi des emplois, et permet à des sociétés dynamiques de
prendre la place qu’elles méritent. Toujours est-il qu’une telle loi serait
de toute façon difficilement applicable. Comment identifierait-on les
internautes ? Grâce à leur adresse IP ? N’y aurait-il pas des risques de
dérive, puisque la liberté de surfer n’est, déjà, pas toujours assurée ?
Autant de questions auxquelles même l’Union européenne n’a pas vraiment
répondues. La publicité sur le net n’a donc pas fini de prospérer, elle n’en
est même qu’à ses débuts dans notre pays. Alors déguisée ou pas, l’invasion
publicitaire ne fait que commencer. La guérilla du marketing est déclenchée.