Jadis, les différents
stades de football du pays étaient des lieux de rencontre, de communion et
d’exaltation de tifosi, à la recherche de sensations fortes, de modèles
identificatoires et de shows spectaculaires. Aujourd’hui, il s’agit, plutôt,
de temples dont la vocation essentielle est de faire du cash, voués à la
consommation d’un sport populaire, planétaire, constamment revigoré avec ses
3,5 milliards de sympathisants à travers le monde. Contrairement aux Jeux
olympiques, souvent soumis aux aléas de la politique internationale et aux
rapports de force entre les puissants de ce monde, ce bon vieux foot n’a
jamais été boycotté par quiconque et demeure, tous les quatre ans,
l’événement le plus prisé des foules et le plus regardé à la télévision.
A l’occasion de certains derbys, joutes footballistiques de haut niveau dont
les clubs de la capitale ont généralement le secret (à l’instar des
rencontres entre l’E.S.T et le C.A), les recettes du jour d’un match peuvent
représenter, d’après les statistiques, jusqu’à 20% du chiffre d’affaires de
l’association bénéficiaire du calendrier de la compétition. Grâce à ces
rencontres de gladiateurs où les supporters, surexcités et chauffés à blanc,
envahissent les tribunes en cortèges ritualisés, le stade est en mesure
d’apparaître désormais dans les bilans financiers sous le terme de «centre
de profit». L’ensemble de ses coins et recoins ainsi que les maillots
endossés sont à louer pour faire du business sur un produit, à la grande
satisfaction de dirigeants en quête permanente de contrats publicitaires
juteux.
Les pouvoirs publics, en Tunisie, ont investi, depuis des décennies, des
milliards dans la construction et la rénovation de l’infrastructure
sportive. D’abord pour supprimer les places debout, puis pour les équiper en
loges, zones VIP et buvettes. C’est ainsi que le confort des stades a été
amélioré amenant un public appartenant aux classes moyennes et supérieures
au grand dam des supporters ouvriéristes, puristes, jusqu’au-boutistes,
assurant constamment une ambiance de fête dans les virages lorsque les
nantis des enceintes et des tribunes se confondent dans une ambiance molle,
laissant ainsi aux ultras le monopole de l’allégresse, de la passion et de
la générosité.
Parallèlement, la loi du marché, lors de certains matchs, événements
comparés volontiers à un choc de géants par une certaine presse à
sensations, pousse à la hausse des prix des billets, à une guerre du
marketing, signes indubitables d’une capitalisation réelle d’un lieu
sportif, désormais envisagé en rente après avoir été le symbole de la
convivialité, de la détente et de la communion.
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