Roland Laskine, rédacteur en chef à l’hebdomadaire Le
Journal des Finances, analyse l’interdiction des ventes à découvert aux
Etats-Unis, il appelle à l’application des préceptes islamiques pour éviter
pareille crise.
En 1968, les étudiants écrivaient sur les murs qu’il est
«interdit d’interdire». Aujourd’hui, ces mêmes étudiants, dont une bonne
partie occupent des postes clés dans les entreprises ou l’administration
s’inquiètent de la crise financière et déclarent qu’il est «interdit de
laisser faire». L’heure est donc au resserrement des contrôles sur toutes
les places financières et surtout à la restriction des opérations
spéculatives qui ont largement contribué à aggraver la crise.
Lorsque Nicolas Sarkozy monte à la tribune de l’ONU pour
réclamer plus de contrôle et une meilleure régularisation des règles du
capitalisme, notre Président ne fait que traduire l’exaspération générale de
dizaines de millions d’épargnants dans le monde victimes des agissements
d’une poignée de banquiers irresponsables.
L’interdiction totale des ventes à découvert sur les
valeurs financières de part et d’autre de l’Atlantique et la limitation des
opérations à effets de leviers qui permettent de parier sur 100 ou 500 en ne
mettant sur la table d’une dizaine de dollars, était sous doute nécessaire.
A court terme, il était en effet important d’éteindre l’incendie qui menace
de se propager à l’ensemble de la maison. La mise en œuvre de ces
restrictions est beaucoup plus délicate.
Les «hedge funds» ne sont jamais à court d’idées pour
spéculer
Si nos dirigeants financiers cherchent vraiment à limiter
la spéculation, rien de plus simple, il suffit d’appliquer des principes de
la Charia arrêtés sept cents ans auparavant : interdit de vendre des actifs
que vous ne possédez pas de façon effective ou de réaliser des opérations de
prêts d’argent moyennant rémunération. Interdit surtout de spéculer sur les
déboires d’une entreprise. Le seul moyen de s’enrichir c’est de participer
au développement d’une entreprise et d’en percevoir les fruits en étant
présent au capital.
Des principes simples et de bon sens que tous les
détenteurs d’actions ou de contrats d’assurance-vie indexés sur la Bourse
auraient voulu voir appliqués plus tôt. Le problème est que ces principes de
gestion ne correspondent ni à la tradition occidentale, ni à nos convictions
religieuses. Pour que le système fonctionne il faut surtout que tout le
monde s’y conforme en même temps. Car dans un monde où la spéculation est
reine, aucun titre – fut-il trié sur le volet – n’est à l’abri d’un mauvais
coup.
Toute la difficulté pour les régulateurs consistera donc
trouver des règles communes à tous les intervenants et surtout applicables à
toutes les classes d’actifs. En limitant momentanément des ventes à
découvert sur les valeurs financières, les autorités de marché prennent le
risque de faire dévier la spéculation sur des titres connexes, comme les
biens de consommation ou l’automobile dont on peut penser qu’ils seront eux
aussi victimes de raréfaction de l’offre de crédit de la part des banques.
L’extrême volatilité du prix du baril de pétrole qui a gagné plus de 15% en
quelques heures en début de semaine à New York montre que les «hedge funds»
ne sont jamais à court d’idées lorsqu’il s’agit d’alimenter la spéculation.
Pour retrouver son équilibre, le marché a besoin de
sanctionner tous les excès commis par les banques. Les mesures partielles
mises en place ça et là peuvent retarder la chute des maisons les plus
vulnérables, mais elles n’ont aucune chance de la stopper. Ce n’est qu’une
fois que la bulle immobilière et financière aura explosé, que le régulateur
pourra s’atteler à la mise en place d’une réglementation pus contraignante
et applicable à tous sans exception.
Pour l’heure, même si nous avons le sentiment que le
dénouement de la crise est proche, il faut reconnaître qu’il est bien
difficile de revenir en Bourse en toute confiance.
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