Taoufik Baccar : inciter les banques à financer les activités des secteurs réels pour éviter la crise

baccar-bct1.jpg«La
crise financière internationale va imposer une réglementation plus stricte
contre l’utilisation de techniques financières sophistiquées, souvent non
transparentes telles la titrisation tout comme elle ralentira l’orientation
massive des banques vers le secteur de l’habitat», a affirmé Taoufik Baccar,
gouverneur de la Banque centrale de Tunisie dans une longue interview
accordée à l’agence de presse TAP. Cette crise, a-t-il ajouté, amènera les
centres de décision à réorienter les banques vers le financement des
activités des secteurs réels de l’économie. Ces nouvelles tendances qui
devraient se développer, concernent les activités industrielles, celles de
l’économie de l’énergie, les nouvelles technologies et d’autres activités
que les banques ne maîtrisent pas suffisamment aujourd’hui. Parlant de la
Tunisie, M. Baccar a assuré que les autorités concernées ont su apprécier la
crise dès son déclenchement. Alors même que les premiers signes faisaient
leur apparition au Japon aux mois de juillet/août 2007, la BCT avait déjà
réagi en cédant, face à une marge de crédit escomptée de 45 à 50 points, 25
points de base pour pouvoir réussir la mobilisation des ressources.

 

Par
la suite, et sur instructions du président de la République, une commission
d’évaluation et de suivi a été créée et une série de mesures a été adoptée
tant au niveau de la gestion des réserves en devises du pays qu’au niveau de
la réglementation des crédits de logement, a rappelé le gouverneur de la BCT.

 

Concernant l’évaluation de l’impact possible de cette crise sur l’économie
tunisienne, M. Baccar a estimé qu’il faut distinguer entre l’impact direct
et l’impact indirect ou à terme.

 

Cette crise a pour conséquence directe d’augmenter la marge appliquée aux
crédits mobilisés sur le marché financier international, particulièrement
par les pays émergents. Il s’agit là, a-t-il précisé, d’un ancien réflexe,
étant donné que la crise n’a pas été déclenchée par les pays émergents comme
ce fut le cas lors de la crise du sud-est asiatique, ou de la crise de la
dette mexicaine.

 

A
titre d’exemple, les marges sur les émissions tunisiennes qui ont baissé
jusqu’à 40-50 points de base pour des maturités de 5 à 10 ans, sont passées
au pic de la crise, lors de la faillite de Lehman Brothers, à plus de 200
points de base.

 

Mobiliser les ressources financières pour le marché local

 

Ces
raisons ont fait que la Tunisie, a indiqué le gouverneur de la BCT, n’est
pas sortie sur le marché financier en 2008, et la Banque Centrale a proposé
au gouvernement de ne pas le faire aussi en 2009, et de mobiliser les
ressources nécessaires au budget de l’Etat exclusivement sur le marché
local. D’autant que le pays connaît une situation de surliquidités sur le
plan interne, depuis le début de 2008.

 

En
dehors de cela, il a souligné que les institutions financières tunisiennes
n’utilisent pas massivement les techniques à l’origine de la crise et du
décalage entre la sphère réelle et la sphère financière à l’instar des
produits de titrisation structurés : les Mortgages Backed securities ou MBS,
les crédits Defautl Sawp ou CDS, les Collateralized Debt Obligations ou CDO.
Les placements des banques locales de leurs ressources en devises sur les
marchés financiers internationaux obéissent à des règles strictes.

 

Concernant la Bourse de Tunis, la part des étrangers qui s’élève à 25% dans
la capitalisation boursière, est détenue par des actionnaires de référence
et non par des investisseurs financiers, ce qui lui confère une certaine
stabilité et la met, a priori, à l’abri des risques de contagion.

 

D’autre part, il est évident, a avancé M. Baccar, que si l’économie mondiale
entre dans une phase de récession, son impact sera direct sur l’économie
tunisienne. La Tunisie étant un pays ouvert sur l’extérieur, et à terme
aucun pays ne peut être à l’abri de cette crise que beaucoup de spécialistes
comparent à celle de 1929.

 

Le schéma retenu pour 2009, a relevé le
gouverneur de la BCT, table sur une augmentation de la croissance de 6%
contre 5,1% estimé pour 2008, grâce en particulier à la demande extérieure,
et c’est dire la nécessité de continuer le renforcement de la capacité
concurrentielle de la Tunisie.

 

Quels impacts de la crise sur les
investissements directs étrangers et nos exportations à destination des
marchés traditionnels qui en souffrent déjà ?

 

Nous y reviendrons.


A.B.A.