C’est à la découverte
d’une planète méconnue, d’un monde si proche et si lointain, pour ceux qui
n’en sont plus, que nous invite le rapport en gestation de la Commission
nationale pour le dialogue avec les jeunes dont la conclusion, nous dit M.
Jamel chérif, Directeur du Centre Universitaire d’Art dramatique et
d’Activités Culturelles et l’un des animateurs du site «pacte jeunesse», est
un portrait-robot d’une génération plus inventive et plus généreuse qu’on ne
le dit. En effet, tout au long de l’année 2008, 400.000 jeunes, la vingtaine
pour la plupart, ont jeté, via l’Internet, les SMS et les nouvelles
technologies de l’information et de la communication, les passerelles d’un
dialogue, appelé à décrisper les relations sociales, à désenclaver, dans un
cadre interactif, les juniors de notre société, à concevoir les politiques
porteuses d’espoir et à enraciner l’échange libre des opinions, aboutissant
ainsi, rappelle notre interlocuteur, à l’élaboration du «pacte des jeunes
tunisiens», un manifeste dont la teneur sera exposée, d’une manière
solennelle, le 11 octobre 2008 dans une atmosphère conviviale, à la Cité des
Sciences, sous l’égide du premier ministre, M. Mohamed Ghannouchi.
«Il s’agit d’un consensus
entre la jeunesse tunisienne autour de thèmes fédérateurs, dégagés au fur et
à mesure d’un dialogue franc, intensif et laborieux où les participants ont
évoqué tour à tour la logique de la compétition au niveau du marché du
travail ; le rôle de l’Etat, à travers un programme de formation ciblé et
bien structuré, dans la lutte contre la fatalité ; la passivité et
l’exclusion…, tout en s’estimant capables de construire une destinée en
s’impliquant encore davantage dans la vie publique», affirme M. Sadok
Chaâbane,
président du Conseil Economique et Social et
principal animateur de la Commission nationale pour le dialogue avec les
jeunes, qui a mis l’accent sur l’importance du dispositif logistique
accompagnant cet élan interactif (8.500 dialogues, 1.800 spots télévisés,
1.000 émissions radiophoniques, des dizaines de milliers de SMS, 180.000
visites du site «pacte jeunesse», 3 millions de pages consultées …), la
montée, à l’issue de ce vaste, échange, d’un leadership junior sûr de lui,
caractérisé par son goût pour le neuf, doté d’un discours rationnel,
mobilisateur et la volonté des pouvoirs publics de tenir compte des
desiderata d’une génération décidée à arracher l’excellence professionnelle,
l’autonomie financière et la réussite sociale avec les dents et dont les
parents ont eu plus de facilité à trouver une place dans la société, ce qui
l’amène, insiste notre interlocuteur, à inventer ses propres réponses face à
la mondialisation du marché du travail et à la financiarisation excessive
d’un ordre capitaliste international, proliférant, illimité, hostile, par
essence, à l’Etat providence.
Finalement, être jeune en
Tunisie, en 2008, à l’aube du XXIème siècle, qu’est-ce que ça
veut dire ? C’est avoir pris de plein fouet, nous dit M. Aîssa Baccouche,
sociologue de renom et figure de proue de la jeunesse estudiantine des
années soixante, les conséquences d’un monde unipolaire, la mort des
idéologies égalitaristes après la déconfiture du Pacte de Varsovie, le
repositionnement stratégique d’un Etat, naguère grand pourvoyeur d’emplois,
réglementant toujours dans les moindres détails l’ensemble des domaines de
la société civile. C’est regarder la politique comme une sitcom. Ce n’est
plus vibrer aux grandes utopies, mais compatir aux malheurs du peuple
palestinien qui passent en boucle au 20-heures. C’est s’incruster dans la
toile depuis l’âge de 10 ans parfois et vivre une Seconde Life sur le Net.
Ils bloguent, ils chattent. Leur carte visite, c’est leur «Play-list». Ils
ont une souris pour animal de compagnie. Ils n’ont plus besoin d’aller vers
le monde, le monde vient à eux, sur leur écran d’ordinateur. On peut, de ce
fait, tomber en léthargie ou gagner en fluidité, en mobilité, en
inventivité…conclut notre vis-à-vis.
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