Londres va investir jusqu’à 37 milliards de livres dans RBS, HBOS et Lloyds

[13/10/2008 16:31:28] LONDRES (AFP)

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à Londres (Photo : Shaun Curry)

“Révolution à la City”, “le jour le plus extraordinaire dans l’histoire des banques”, “la fin du Big Bang de Thatcher”: de l’avis général, une page de l’économie britannique s’est tournée lundi, suscitant soulagement, inquiétude ou amertume.

La nationalisation de Northern Rock, première victime de la crise du crédit au Royaume-Uni, avait provoqué une levée de boucliers en février: le leader conservateur David Cameron, par exemple, qualifiant l’opération de “désastre pour le contribuable, le gouvernement et le pays”.

Mais face à l’urgence de la situation, l’entrée de l’Etat au capital de trois grandes banques (HBOS, Lloyds TSB et Royal Bank of Scotland) a été, cette fois, unanimement accueillie comme une “nécessité”, d’autant qu’elle s’accompagnait d’un rebond de la Bourse.

A commencer par les premiers intéressés: “Qu’est-ce qu’il vaut mieux ? Laisser une banque s’écrouler ou utiliser l’argent du contribuable ?”, a déclaré à l’AFP Angela Knight, directrice générale de l’Association des banquiers britanniques (BBA).

Pour autant, s’est-elle empressée d’ajouter, le plan de sauvetage détaillé lundi “ne concerne que trois banques” et “le gouvernement a clairement indiqué qu’il s’agissait d’une situation temporaire et non permanente”.

La porte-parole de l’industrie bancaire n’est pas la seule à trouver la potion un peu amère, la nationalisation des banques étant vue comme une entorse au credo libéral de Margaret Thatcher, célébré en 1986 par la déréglementation des marchés financiers et repris à son compte par le New Labour de Tony Blair.

“Je ne vois qu’une bonne chose dans le fait que les gouvernements entrent au capital des banques: personne ne pensait que les nationalisations puissent revenir au goût du jour et on n’en parlait plus dans nos universités. Désormais, on peut se faire de l’argent en donnant des cours sur le sujet!”, ironise Howard Wheeldon, analyste du courtier BGC Partners.

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ût 2008 à Londres (Photo : Leon Neal)

Selon lui, “il y a peu de doute que ce que nous voyons aujourd’hui change la face de l’industrie bancaire pour de bon”. Paul Niven, du gestionnaire de fonds F&C, s’attend à une régulation accrue des marchés et des pratiques, tant en termes de gouvernance que de prêts et de rémunérations.

“Cela va certainement altérer la confiance que l’on faisait aux marchés pour fonctionner de façon autonome, sans régulation officielle”, avance Charles Goodheart, professeur à la London School of Economics.

“Cela va changer aussi la structure de la finance et mettre un terme à la flambée des profits et des bonus dans la City”, poursuit-il.

“Il a toujours été admis que l’Etat détenait le pouvoir ultime et, pour cela, avait accès à l’argent du contribuable, à la différence des autres composantes du système. Or, quand vous avez une grosse crise, vous avez besoin d’un engagement fort de l’Etat”.

“Mais y voir la fin du capitalisme et d’une approche modérément libérale de l’économie, non”, conclut-il.

Les représentants de la gauche du Parti travailliste et des syndicats prétendent le contraire.

“Thatcher a enterré l’économie keynésienne et la crise actuelle montre combien elle avait tort. L’intervention de l’Etat est non seulement nécessaire dans la finance mais à une échelle plus large, pour protéger les emplois et l’économie de la récession”, a estimé Derek Simpson, secrétaire général du syndicat Unite.

Ironisant sur la situation, des chroniqueurs politiques ont ressorti le manifeste du Labour publié pour les élections de 1983, année qui vit Gordon Brown et Tony Blair entrer pour la première fois à la Chambre des Communes.

Jugé suicidaire à l’époque, le texte proposait d’exercer, à travers la Banque d’Angleterre (indépendante depuis 1997, ndlr), un contrôle plus étroit des prêts accordés par les banques, au besoin en les nationalisant.