Les marchés respirent après la mobilisation mondiale anti-crise

[13/10/2008 16:54:29] PARIS (AFP)

photo_1223887337040-8-1.jpg
à la Bourse de Francfort (Photo : Martin Oeser)

Les pays de la zone euro ont mobilisé lundi des centaines de milliards d’euros pour contrer la crise financière, redonnant espoir aux Bourses mondiales qui connaissaient un vif rebond après une semaine calamiteuse.

Les 15 pays ont commencé à mettre en musique l’arsenal de mesures coordonnées annoncé dimanche à l’issue d’un sommet de l’Eurogroupe.

Suivant l’exemple de la Grande-Bretagne, ils sont tombés d’accord pour éviter à tout prix les faillites bancaires en entrant au capital des banques et pour apporter une garantie d’Etat aux prêts interbancaires afin de débloquer le financement de l’économie.

Le président américain George W. Bush a de son côté promis lundi de nouvelles mesures pour apaiser les “troubles des marchés financiers”.

L’Allemagne, première économie européenne, a annoncé un plan d’aide au secteur bancaire se chiffrant à 480 milliards d’euros, dont 80 milliards pour recapitaliser des établissements en difficulté et 400 milliards pour garantir les échanges interbancaires.

La France a décidé d’apporter une garantie “payante” des prêts interbancaires jusqu’à 320 milliards d’euros et de consacrer jusqu’à 40 milliards à la recapitalisation des banques en difficulté.

Le gouvernement espagnol a annoncé lundi qu’il allait garantir les prêts interbancaires jusqu’à 100 milliards d’euros pour 2008.

Après la pire semaine de leur histoire, les Bourses européennes se sont reprises: vers 13H35 GMT, Londres gagnait 4,5%, Paris 6,6% et Francfort 8,4%.

A Wall Street, le Dow Jones gagnait 4,4% et le Nasdaq 5,3% dans les premiers échanges.

Devant ce regain d’espoir, les taux à trois mois sur le marché interbancaire, dont le blocage est au coeur de la crise, se détendaient lundi, signe que les établissements financiers étaient moins réticents à se prêter de l’argent.

Les mesures européennes font écho au plan Paulson de 700 milliards de dollars adopté début octobre par les Etats-Unis et concrétisent les engagements pris vendredi soir par les sept grands pays riches (G7) à Washington.

“Chacun d’entre nous va continuer à prendre des mesures responsables et décisives pour restaurer le crédit et la stabilité et retrouver une croissance vigoureuse”, a assuré lundi M. Bush.

Le Trésor américain a ainsi annoncé qu’il était en train de “mettre sur pied un programme d’achat d’actions dans une large gamme d’institutions financières”.

Selon la chaîne d’informations financières CNBC, Washington prépare en outre un plan de garantie interbancaire, à l’image de celui mis en place en Europe.

Le groupe bancaire japonais Mitsubishi UFJ Financial a volé au secours d’une des deux dernières banques d’affaires américaines indépendantes: il a confirmé qu’il allait prendre une participation de 21% dans la banque américaine Morgan Stanley, pour 9 milliards de dollars.

Quant au gouvernement britannique, il a brisé le tabou des nationalisations bancaires en annonçant qu’il investirait jusqu’à près de 50 milliards d’euros dans trois des plus grandes banques du pays, RBS, HBOS et Lloyds TSB, provoquant leur nationalisation de fait.

photo_1223894776994-8-1.jpg
à la Bourse de Sydney (Photo : Greg Wood)

Au terme d’opérations de refinancement massives, le gouvernement pourrait détenir jusqu’à 60% du capital de la Royal Bank of Scotland (RBS), et jusqu’à 43,5% au sein du groupe constitué par la fusion de Lloyds TSB et HBOS.

La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une action concertée de plusieurs instituts d’émission – BCE, Banque d’Angleterre et Banque nationale suisse, auxquelles pourrait s’associer la Banque du Japon – pour alimenter les marchés en dollars pour des montants illimités.

La mobilisation internationale a été unanimement saluée.

La Banque centrale de Suède a estimé lundi qu’il y avait “une lumière au bout du tunnel” dans la crise financière internationale.

“Je pense que nous avons maintenant une réponse complète à la crise”, s’était félicité dès dimanche le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn.

“Il n’y a pas de raison aujourd’hui, ni pour les déposants, ni pour les intervenants sur le marché, ni pour les chefs d’entreprises de craindre quelque chose”, a-t-il ajouté lundi.

L’économiste Américain Paul Krugman, qui s’est vu décerner lundi le prix Nobel d’économie, avait d’ailleurs rendu hommage à l’action du Premier ministre britannique Gordon Brown, se demandant s’il “n’avait pas sauvé le système financier mondial”.

Les dirigeants européens sont toutefois soucieux d’éviter que leurs concitoyens n’aient le sentiment de payer la facture des erreurs des banques.

“Il ne s’agit pas de faire des cadeaux aux banquiers, il s’agit de faire en sorte que les consommateurs, les investisseurs puissent continuer à fonctionner d’une façon rationnelle”, a souligné lundi le président de l’Eurogroupe et Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker. “Les banques qu’on assistera devront payer”, a-t-il ajouté.

photo_1223880711929-8-1.jpg
à Washington (Photo : Stephen Jaffe)

Par ailleurs, le FMI, à l’instar des dirigeants européens, a l’intention de tirer les leçons de la crise en vue de réformer un système financier qui a démontré ses faiblesses.

Gordon Brown a réclamé une vaste réforme du système financier international dans le cadre d’un “nouveau Bretton Woods”, la conférence sur la régulation financière tenue aux Etats-Unis en 1944.

Les plans de secours aux banques ne fonctionneront que s’ils sont accompagnés d’un renforcement de la régulation internationale pour mettre fin aux “excès du marché”, a prévenu la chancelière allemande Angela Merkel.

Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a ordonné à son gouvernement d’accélérer la mise en place du plan anti-crise financière pour qu’il parvienne au plus vite au consommateur.

A contre-courant des marchés mondiaux, l’une des deux Bourses de Moscou, le RTS, a été suspendue pour une heure lundi en raison d’une forte baisse des cours de plus de 5%.

Les marchés asiatiques ont bien rebondi lundi: Hong-Kong a gagné 10,2%, Shanghai 3,65%, Sydney 5,55% et Séoul 3,79%.

Tokyo, après le krach historique de la semaine dernière (-9,62% vendredi et -24,33% sur la semaine), était fermé pour cause de jour férié.

Au Moyen-Orient, la Bourse saoudienne a clôturé en hausse de 9,5% et Le Caire de 4,9%.

Sao Paulo, première place d’Amérique du sud, a rebondi de 4,76% à l’ouverture.