Dassault Aviation avoue convoiter la part d’Alcatel-Lucent dans Thales

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à Genève le 19 mai 2008. (Photo : Fabrice Coffrini)

[14/10/2008 15:52:00] PARIS (AFP) Dassault Aviation a avoué convoiter la part de l’équipementier télécoms franco-américain Alcatel-Lucent dans l’électronicien français Thales, donnant ainsi un nouvel élan à la concentration de l’industrie de la défense en France, un souhait cher à l’Elysée.

La rumeur courait depuis plusieurs mois, mais l’avionneur français l’avait à chaque fois démentie, la qualifiant de “fantasme”. Son PDG, Charles Edelstenne, avait même affirmé le 28 août dernier “être déterminé à sortir de Thales”, dont il détient déjà 5%.

Mais lundi soir, le vent a semble-t-il tourné. Dans un communiqué laconique, Dassault Aviation a annoncé avoir “l’intention d’étudier l’opportunité de l’achat du bloc de titres Thales détenu par Alcatel-Lucent s’il s’avérait disponible à la vente”. Cette participation s’élève à 20,8%.

“Les négociations n’ont pas encore commencé pour l’instant. Il faut d’abord qu’Alcatel-Lucent décide de vendre”, a précisé un porte-parole de Dassault Aviation.

L’équipementier télécoms a de son côté “pris acte de l’intérêt exprimé par Dassault Aviation pour sa participation”. “Tout en rappelant l’importance de ses partenariats en cours avec Thales, le groupe examinera toutes les options stratégiques possibles dans le meilleur intérêt de ses actionnaires”, a-t-il ajouté. Thales n’a pas voulu commenter cette annonce.

Déjà fragile depuis sa fusion il y a plus d’un an, la situation financière d’Alcatel-Lucent devrait encore se dégrader avec la crise. A court de liquidités, au moment où le crédit s’assèche, le groupe franco-américain pourrait donc décider de céder sa part dans Thales, considérée comme un actif stratégique dans la restructuration potentielle du paysage industriel de la défense français.

Pour rester compétitif face à la position dominante dans le militaire des Américains, Paris prône en effet une concentration de ce secteur encore très émietté, au niveau national mais aussi européen. Ni l’Elysée, ni Matignon ne se sont toutefois exprimés sur l’annonce de Dassault. L’Etat français contrôle 27% de Thales.

Au niveau industriel, cette prise de participation pourrait générer des synergies: Thales fournit une grande partie de l’électronique, notamment le radar pour le Rafale, l’avion de chasse fabriqué par Dassault.

Si Dassault Aviation devenait l’actionnaire de référence de Thales, il pourrait aussi intégrer son bureau d’études spécialisé dans l’aviation de combat dans un grand groupe international.

La montée dans le capital de Thales de l’avionneur français devrait cependant susciter quelques remous au sein du groupe européen EADS, maison mère de l’avionneur Airbus, qui détient 40% de Dassault Aviation.

EADS avait en effet à plusieurs reprises signalé son intérêt pour Thales, qui lui permettrait de se renforcer dans la défense, une activité moins dépendante des cycles économiques que l’aviation commerciale. Il n’était mardi pas immédiatement joignable.

Un expert du secteur s’étonnait toutefois de la volte-face opérée par Charles Edelstenne, soulignant qu’il y a une dizaine d’années, il avait tout fait pour empêcher une prise de participation de Dassault Aviation dans Thales.

“Ce sont peut-être de grandes manoeuvres en préparation d’autres grandes manoeuvres”, a-t-il estimé, n’excluant pas que Dassault soit utilisé pour faire monter les enchères pour la part d’Alcatel-Lucent face à EADS.