Déclenchée
dans le milieu financier, la crise a touché de plein fouet le secteur
financier. La coupable est la titrisation, affirme Jean-François Jamet,
chercheur et consultant à la Banque mondiale.
Explications :
Parmi les créanciers touchés par la crise des prêts hypothécaires à
risque figurent nombre d’organismes de crédits et de banques. Nombreux ont
même fait faillite. New Century Financial Corporation en avril 2007 (alors
que la capitalisation boursière de cet organisme atteignait 1,7 milliard de
dollars au 1er janvier 2007), Aegis Mortgage, Home bank, First Magnus
Financial et American Home Mortgage en août 2007 ont été les premières
victimes.
Le n°1 du marché des crédits immobiliers aux Etats-Unis, Countrywide, en
quasi-faillite, a été racheté en janvier 2008 par Bank of America. Les
institutions européennes opérant aux Etats-Unis n’ont pas été épargnées. La
banque britannique Northern Rock en a échappée grâce à l’intervention
spectaculaire de la Banque d’Angleterre qui lui a consenti un prêt de 3
milliards de dollars en septembre 2007. En Allemagne, l’Etat a du intervenir
pour sauver la Banque IKB de la faillite, alors que plusieurs banques
régionales ont été rachetées après avoir subi des pertes importantes liées à
des prêts consentis aux Etats-Unis.
L’ampleur de la crise et sa généralisation s’expliquent par la
titrisation des créances hypothécaires à risque qui consiste pour une banque
à les revendre sur des marchés spécialisés à des investisseurs. Ces derniers
émettent et revendent ensuite des obligations adossées à un “paquet” de
créances, qu’on retrouve parfois dans des SICAV monétaires
traditionnellement jugées sans risque.
La titrisation des crédits hypothécaires suit 3 phases au travers de la
constitution de 3 types de produits financiers distincts :
– les ABS (“asset backed securities”) sont des valeurs mobilières
adossées à une créance : c’est la forme la plus classique de titrisation ;
– les CDO (“collateralized debt obligations”), sont des obligations
adossées à un paquet de créances. Elles offrent une panoplie de niveaux de
risques et leur champ des combinaisons est virtuellement infini ;
– les SIV (“Special investment vehicles”), sont des véhicules qui
agrègent des CDO. Ils figurent en général hors du bilan des banques, ce qui
permet d’échapper aux règles prudentielles (par exemple les ratios Cooke et
McDonough, qui mesurent le ratio de l’encours des prêts accordés par les
banques à leur fonds propres).
Le risque induit par le prêt initial est ainsi transmis successivement à
différents investisseurs, alors que les “paquets” de crédit conduisent à
mélanger des niveaux de risque différents. La titrisation vise à mieux
répartir les risques et élargir la quantité de fonds disponibles pour les
prêts. On comprend la dimension de l’étendue du problème lorsque l’on sait
que le détenteur final de la créance n’est plus celui qui l’a accordée et
lorsque les banques ont une incitation moins forte à s’assurer de la
solvabilité des emprunteurs ou à limiter la quantité des crédits à risque.
Sans oublier que le mélange des risques rend difficile l’évaluation de la
valeur des paquets de crédits : celle-ci repose sur des modèles
mathématiques complexes que peu d’investisseurs comprennent et sur les avis
donnés par les agences de notation comme Moody’s et Standard & Poor’s.
Celles-ci portent une responsabilité particulière dans la mesure où les avis
très favorables accordés à certains paquets de créances comportant des
subprimes ont pu induire les investisseurs en erreur.
Les créances titrisées ont ainsi été acquises par de nombreux
investisseurs. Parmi eux figurent les fonds d’investissement, dont les hedge
funds qui n’hésitent pas à s’endetter pour investir. Dans une situation de
liquidité abondante (notamment du fait de la faiblesse des taux d’intérêt)
et par effet de mode, les titres adossés aux subprimes ont ainsi facilement
trouvé preneur. Or beaucoup des fonds d’investissement sont détenus,
financés ou gérés par des banques, ce qui signifie que le système bancaire
s’est largement engagé sur le marché des subprimes : le montant des encours
s’élevait ainsi à environ 700 milliards de dollars fin 2006. Conséquence du
retour de manivelle, plusieurs banques se sont retrouvées en faillite, la
plus illustre étant la Lehman Brothers tout récemment.
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