Vent de panique sur les Bourses mondiales

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à Tokyo (Photo : Yoshikazu Tsuno)

[16/10/2008 11:34:53] PARIS (AFP) Un vent de panique soufflait jeudi sur les marchés mondiaux, après les pires chutes depuis le krach de 1987 à Tokyo et New York, tandis que l’Europe s’apprêtait à appeler solennellement à un “nouveau Bretton Woods” pour réformer le système financier mondial.

Après les plongeons de 11,41% à Tokyo et de 7,87% à New York, les Bourses européennes, qui avaient déjà chuté mercredi, restaient dans le rouge.

Londres, Paris et Francfort, en chute de 5 à 6% peu après l’ouverture à 07H00 GMT, limitaient leurs pertes entre 2,5 et 4,5% deux heures plus tard.

“C’est clairement la panique, et elle va durer”, a prophétisé Clifford Bennett, économiste en chef chez Sonray Capital Markets à Melbourne. “Les marchés semblent ne plus avoir de souffle”, ont relevé les analystes de BNP Paribas, qui ont mis en avant les “mauvais indicateurs économiques” et “les questions sur la capacité des plans gouvernementaux à faire face à la crise globale”.

A la crise financière, s’ajoute la menace de récession mondiale.

Les responsables américains ont multiplié mercredi les avertissements quant à la baisse de la consommation, la crise immobilière qui “n’a pas touché le fond” et la reprise qui “n’est pas pour demain”. Une responsable de la Fed avait lâché le mot dès mardi : les Etats-Unis semblent être déjà entrés en “récession”. Le Parlement japonais a approuvé jeudi une rallonge budgétaire de 14 milliards d’euros pour stimuler la deuxième économie mondiale.

Le président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker s’est cependant évertué à calmer les esprits. “Nous devrions arrêter de regarder les cours de Bourse comme la souris regarde le chat et penser au moyen terme”, a-t-il déclaré mercredi à une radio allemande. Il s’est dit persuadé que les 2.000 milliards d’euros mobilisés dimanche par la zone euro pour assurer la survie des banques et du système financier finiraient par “impressionner les marchés”.

Mais ces mesures alimentent aussi la peur des investisseurs. Ainsi, trois grandes banques britanniques concernées par le plan de sauvetage (HBOS, Lloyds TSB et RBS) ont chuté mercredi à Londres, les actionnaires craignant de ne pas recevoir avant longtemps leurs dividendes.

La crise financière a également gagné la Suisse. Jeudi à Zurich, le gouvernement et la banque centrale (BNS) ont annoncé qu’ils allaient entrer au capital de la banque UBS à hauteur de 6 milliards de francs suisses et reprendre une partie de ses actifs jusqu’à 60 milliards de dollars.

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à la Bourse de New York (Photo : Chris Hondros)

Crédit Suisse, deuxième banque helvétique, a annoncé une augmentation de son capital d’environ 6,5 milliards d’euros, alors que l’établissement affiche une perte nette de près de 900 millions d’euros au 3e trimestre.

A Bruxelles, au second jour de leur sommet, les dirigeants européens devaient appeler à une refonte du système financier mondial, avant une rencontre samedi avec le président américain George W. Bush à Camp David.

Après le soutien des 27 membres de l’UE aux mesures prises dimanche par les pays de la zone euro pour enrayer la crise, les Européens veulent profiter de cette démonstration d’unité pour obtenir “un nouveau Bretton Woods”, le sommet qui avait refondé l’ordre financier mondial en 1944.

Paris et Londres veulent associer à cet effort le G8 et les grandes économies émergentes.

A New Delhi, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud, réunis mercredi en sommet, ont fustigé les pays riches pour avoir provoqué la crise.

L’Europe veut notamment s’attaquer aux paradis fiscaux, aux agences de notation et aux fonds spéculatifs. Londres et Berlin proposent aussi de réformer le Fonds monétaire international (FMI) pour lui donner un rôle de supervision mondiale. Washington, d’abord réticent, est désormais d’accord sur le principe d’un sommet d’ici la fin de l’année.

Le G8 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie) s’est dit favorable à une telle réunion de haut niveau “dans un avenir proche”. Le président français Nicolas Sarkozy a suggéré que la réunion se tienne “de préférence à New York, là où tout a commencé”. L’Europe reproche aux Etats-Unis d’être en partie responsables de la crise financière pour avoir refusé depuis des années tout durcissement du contrôle des marchés financiers. “L’Europe présentera une vision commune et ambitieuse : nous ne voulons pas que ça recommence, nous voulons que des conséquences soient tirées” de la crise, a souligné M. Sarkozy président en exercice de l’UE.

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çais François Fillon, le président de la commission européenne José Manuel Barroso et le président Sarkozy, le 16 octobre 2008 à Bruxelles (Photo : Dominique Faget)

Bruxelles veut aussi relancer l’idée d’un “système coordonné de supervision du secteur financier européen”, aujourd’hui émietté au niveau national. Mais l’UE n’a jamais réussi à parler d’une seule voix sur cette question.

Les pays où sont installés les sièges des grandes banques plaident pour le maximum de centralisation, tandis que les pays où dominent les filiales de ces groupes craignent de perdre tout droit de regard sur le sujet sensible de la régulation financière.

Parallèlement aux anticipations de récession, qui signifient moins de demande de pétrole, les cours du brut ont poursuivi leur baisse jeudi, le baril passant à Londres sous la barre des 68 dollars après un sommet à 147 dollars en juillet.

Dans le Golfe, les Bourses chutaient lourdement, à l’image de Dubai qui perdait 6% à mi-séance. Les autres marchés d’Asie ont subi une nouvelle descente aux enfers jeudi : en clôture, Séoul a perdu 9,4%, Sydney 6,7%, Shangai 4,25% et Hong Kong 4,8%. La débâcle galvanise les pourfendeurs du modèle occidental. Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei a osé une comparaison avec la chute de l’URSS, évoquant “des craquements de la démocratie libérale occidentale” alors que le président Mahmoud Ahmadinejad a pronostiqué “la fin du capitalisme”.

Le leader cubain Fidel Castro s’en est pris aux “pays capitalistes européens”, estimant qu’ils “ne sont pas en position pour imposer leurs conditions et solutions au reste du monde”.