A l’instar de la plupart des pays émergents, la Tunisie a encore du chemin à
faire en matière de gouvernance. Notamment dans le monde de l’entreprise. En
effet, selon une enquête de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE),
menée auprès d’un échantillon de 475 entreprises, aucune d’entre elles n’est
aujourd’hui en conformité avec l’ensemble des principes du «Guide de bonnes
pratiques de gouvernance des entreprises tunisiennes», souligne une source.
Intitulée «les pratiques de gouvernance au sein des entreprises familiales
tunisiennes», l’enquête a porté sur sept thèmes –sensibilité à la question
de la gestion, transparence, éthique, financement, partenariat stratégique
étranger, introduction en Bourse, et fiscalité- sur lesquels les entreprises
interrogées ont été invitées à dire le degré d’importance qu’elles y
accordent.
Il en ressort, à titre d’exemple, que les sociétés anonymes (SA), les
sociétés de services et de tourisme ainsi que 63% des entreprises évitent de
partager leurs informations par souci de confidentialité, mais les SA, les
sociétés de services, de communication et de construction ainsi que les
sociétés de grande taille sont les plus disposées à le faire.
De même, le financement par crédit bancaire est le plus utilisé (89%). 78%
des entreprises ne pensent pas à d’autres moyens de financement,
principalement parce qu’elles sont satisfaites (53%) de celui auxquels elles
ont recours, mais également parce qu’elles jugent élevé le risque inhérent à
un changement (19,3%). Cette méfiance à l’introduction en Bourse, parce
qu’elle est trop contraignante en matière d’informations, expose
l’entreprise à ses concurrents, et implique une dilution du pouvoir des
propriétaires.
23% seulement des entreprises de l’échantillon ont un partenaire étranger.
Et bien que 61% affirment être intéressés par un tel partenariat, plus de
44% à 85%, selon le secteur d’activité, n’en ont pas recherché au cours des
cinq dernières années. D’où l’importance du travail en profondeur que mène
l’IACE afin de changer cette situation en faisant tout pour que le «Guide de
bonnes pratiques de gouvernance des entreprises tunisiennes» ne reste pas
lettre morte.
Publiée en juin dernier, en couronnement d’un processus lancé il y a trois
ans, rappelle M. Slim Zarrouk, président de la Cellule des Jeunes Dirigeants
de l’IACE, cette «Bible» de la bonne gouvernance, élaborée après de longues
discussions avec les représentants de différents organismes concernés (CJM-IACE,
CMF, BCT, BVMT, ministère des Finances, ATAI et APBT), est destinée à guider
les premiers pas des entreprises sur cette voie.
A cet effet, ce document fait des recommandations et inclut des normes
internationalement reconnues, afférentes aux principaux aspects (audit
interne et externe, transparence fiscale, éthique et responsabilité
sociétale, rôle des managers, relations entre employés et employeurs,
conseil d’administration, droit des actionnaires et privilèges des managers)
de cette nouvelle forme de certification. Le but étant, selon le préambule,
de «rendre le système tunisien de gouvernance d’entreprise plus transparent
et plus intelligible» et de «promouvoir la confiance des investisseurs
nationaux et internationaux, des clients, des salariés et du public» les
entreprises tunisiennes.
L’état des lieux en matière de gouvernance étant dressé, l’IACE lance, donc,
aujourd’hui, sa «croisade» en vue de «convertir» les entreprises tunisiennes
à cette nouvelle «religion» du monde des affaires, et les amener ainsi à
combler leur retard dans ce domaine. D’ailleurs, le programme d’activités de
l’IACE au cours des prochains mois va être dominé par cette question. Il
commencera par la poursuite de la mise en place du dispositif devant
encadrer et concrétiser ce processus.
Après le «Conseil consultatif de la bonne gouvernance» (CCBG), créé en
janvier 2008, et l’Institut tunisien de gouvernance de l’entreprise, qui le
sera d’ici mars 2009, l’IACE enchaînera avec le lancement de l’«Indice de
pratiques en gouvernance d’entreprise». Même si les plus mal notés en la
matière n’encourent aucune sanction, cet instrument n’en pèsera pas moins
comme une épée de Damoclès, en raison de son impact négatif pour l’image des
plus attardés dans ce domaine.
La médiatisation étant son outil et allié majeur dans cette bataille, l’IACE
procèdera, dans la foulée, au lancement de deux concours, le premier de la
‘’meilleure entreprise’’ en matière de gouvernance, et le second du
‘’meilleur article dédié à cette question’’.
Mais auparavant, l’IACE va entreprendre une campagne de sensibilisation
auprès des acteurs concernés. Elle prendra la forme de quatre ateliers
s’adressant respectivement au monde de la finance et de l’audit
(institutions financières, analystes, auditeurs, comptables), aux organismes
gouvernementaux, et, surtout, aux membres des conseils d’administration des
grandes sociétés cotées et non cotées, et managers des entreprises
familiales, qui constituent l’essentiel du tissu économique du pays. Après,
les «recalés» de la bonne gouvernance ne pourront en vouloir qu’à eux-mêmes.
MM