[22/10/2008 17:26:45] PARIS (AFP)
Une agence de la Caisse d’Epargne (Photo : Mychele Daniau) |
Un trader qui enfreint les instructions, une hiérarchie qui reste les bras croisés: la perte de près de 700 millions subie par la Caisse d’Epargne révèle une “dérive” dans sa gestion des risques, selon un rapport préliminaire de l’Inspection générale de la banque.
Le président de la Caisse d’Epargne, Charles Milhaud, avait affirmé dimanche que cette perte, liée à des opérations boursières malencontreuses et qui lui a coûté son poste, était notamment la conséquence de “la violation des instructions que le directoire et (lui)-même” avaient données.
En effet, le directoire avait décidé en avril l’arrêt des activités d’investissement de la Caisse d’Epargne pour son compte propre. Théoriquement, la petite équipe qui compose la salle de marché de l’Ecureuil était donc censée liquider progressivement son portefeuille d’ici la fin de l’année.
Or, “à partir du 15 septembre”, au lieu d’agir en ce sens, le trader “semble s’être engagé de sa propre initiative et pour des montants importants (…) dans une stratégie risquée”, note ce rapport interne révélé mercredi par le Nouvel Observateur et dont l’AFP a obtenu copie.
“Cette stratégie sera renouvelée plusieurs fois au cours du mois et début octobre, y compris sur des montants exceptionnellement élevés”, poursuit ce rapport préliminaire dont la version définitive doit être publiée “dans quelques jours”, selon l’Ecureuil.
Or, “du fait d’un nombre important de défaillances du contrôle interne et d’alertes ignorées, cette dérive dans la gestion n’est pas perçue à temps”.
ésident de la Caisse d’Epargne, Charles Milhaud, à Paris le 23 janvier 2006 (Photo : Pascal Pavani) |
A la décharge de ses responsables, le trader a tenté de minimiser les risques qu’il avait pris par des déclarations “rassurantes”, mais “mensongères”, souligne ce document. Mais l’inspection considère que c’est bien “le manque de réactivité” de ses responsables qui a “fortement aggravé” les choses.
Ainsi, le vendredi 10 octobre au matin, le trader prévient ses supérieurs que ses pertes risquent d’atteindre 100 millions d’euros.
Loin de prendre le taureau par les cornes, ces derniers “ont conservé une confiance totale envers l’opérateur, le laissant gérer son portefeuille au mieux pendant la journée”. Pire, devant son “comportement abattu”, ils “lui demandent de se reposer”.
Rien ne se passe pendant le week-end, qui aurait pu “être utilement mis à profit pour recenser les positions” et se préparer à s’en défaire “dès le lundi matin”, déplorent les inspecteurs.
Le lundi, les Bourses mondiales exultent après l’annonce d’un plan européen de 1.700 milliards en faveur du secteur bancaire. L’occasion pour se défaire des positions sans trop de casse.
Mais les responsables attendent le mardi pour réagir, le jour où Wall Street repart à la baisse…
Résultat: la perte se creuse à cause de “ce manque de réactivité”.
Pour expliquer ces négligences, le rapport relève que le chef direct du trader avait négocié son départ de la banque pour la fin septembre. Il était donc très peu présent quand les faits se sont produits et n’a pas été remplacé ensuite.
L’inspection reproche également au directeur de la gestion financière et au directeur financier de la banque de ne pas avoir donné aux équipes “sous leur responsabilité une feuille de route” pour leur préciser “les produits autorisés, les pouvoirs des opérateurs, les limites” à ne pas dépasser.
Cela fait pourtant partie “des bonnes pratiques et des règles définies par la charte financière du groupe”, regrette le rapport.