La Tunisie possède une culture urbaine qui remonte loin dans le temps.
Carthage fut une métropole régionale où la vie urbaine s’est développée au
gré des civilisations conquérantes. Notre pays peut donc s’enorgueillir
d’avoir acquis au fil du temps des pratiques évoluées en matière
d’aménagement urbain. Des pratiques qui consistent à organiser
l’utilisation physique de l’espace, pour une évolution harmonieuse de la
collectivité dans le respect des spécificités naturelles et culturelles.
Pour ce, les plans d’aménagement urbains sont établis sur la base d’une
maîtrise profonde de ces spécificités et dans une vision cohérente et
harmonieuse de ce que sera la cité, une fois aménagée et construite.
A Amman, la capitale jordanienne, très souvent vous vous trouvez dans des
endroits où tout, absolument tout est construit avec de la Pierre, cette
unicité de vue offre au regard une agréable vision et témoigne d’un sens
indiscutable de l’esthétique.
Au Lac de Tunis qui vient tout juste de naître, il n’y a même pas
d’unicité de couleurs. Les façades des villas et des immeubles sont des
fois, peintes en vert et blanc, d’autres en blanc marié au marron ou au
bleu. Quant à l’habillage extérieur, certains utilisent de la menuiserie,
d’autres de l’aluminium sans parler des devantures totalement vitrées!!! On
sombre dans une cacophonie totale !
Quand on met en place un nouveau plan d’aménagement, notre souci premier
n’est-il pas de préserver et de développer une identité propre ? Un cachet
qui nous permet de se distinguer par rapport à d’autres sites ? L’exemple de Sidi Bou
Saïd n’est plus à citer. Grâce à Dieu, il a su garder son paysage
emblématique.
Qu’est ce qui explique cet irrespect des règles élémentaires de
conception et d’aménagement d’une ville de surcroît résidentielle ? Comment
y a-t-on abordé le plan d’urbanisme et la question du paysage urbain ?
« La question de l’unicité de vue a été déjà posée en 1990, lorsque la
SPLT a mis en place le cahier de charge qui, à l’époque, a été conçu par de
grands architectes. Mais les goûts et les couleurs ne se discutent pas »
répond M. Tarek Bouguerra, directeur de l’urbanisme à la SPLT. A sa
création, La société promotrice avait imposé la contrainte d’alignement et
celle de l’arcade. Le cahier de charge exige le blanc en tant que couleur de
référence pour la zone. La société promotrice ne disposant pas du droit de
verbaliser ne peut prétendre imposer l’application des clauses du cahier de
charge. « Dans l’ordre normal des choses, le suivi des travaux dans des
villes d’une telle envergure, devrait être assuré par une commission
spécifique qui a pour rôle de veiller au respect des conditions du cahier de
charge. Les membres de cette commission devraient être des hommes de l’art,
expérimenté, j’aurais souhaité voir une des commissions en place aujourd’hui
faire appel à des experts qui exigeraient l’unicité et la complémentarité
sur le plan esthétique » apostrophe M.Tarek Bouguerra.
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Qui fait quoi ?
Quelle instance a pour rôle de veiller au respect des clauses stipulées
par le cahier de charge ? Qui doit préserver l’harmonie et la cohérence des
constructions ?
Que voyons-nous au Lac aujourd’hui? Une suite de constructions sans
logique esthétique dont les usages diffèrent tant au niveau des espaces que
des normes attribuées ? Des villas se transforment en bureaux, des loges de
gardiens deviennent des lieux de commerce, des caves se métamorphosent en
lieux d’habitations, des sous sols prévus pour être des parkings deviennent
des débarras ou des lieux d’habitation, des locaux destinés à abriter les
poubelles se reconvertissent en loges de gardiens ou sont loués en tant que
studios. Les poubelles sont mises à l’extérieur et les lotissements sont sur-construits. Les exemples sont légion.
Dans le lac, il n y a pas d’unicité de vue parce qu’il est réparti sur
trois municipalités, il existe une entité appelée Lac mais c’est Tunis, la
Goulette et le Kram qui veillent à ses destinées. Les moyens de ces
municipalités et leurs logiques de travail sont différentes et c’est à la
SPLT de suivre leurs rythmes et ceux des niveaux et des réunions de leurs
commissions respectives. Il faut espérer la création d’une municipalité
propre à cette zone.
Le Président de la République l’a d’ailleurs annoncée et a prié les
responsables concernés de faire des propositions dans ce sens. Espérons que
ça n’est qu’une question de temps.
Respecter les critères quand il s’agit d’augmenter le CUF
L’augmentation du coefficient d’utilisation foncière (CUF), le changement
d’usages et d’affectation des lieux d’habitation, viendront à bout des
infrastructures de base qui n’arriveront plus à gérer une densité en
perpétuelle hausse. Car dès le moment où le CUF augmente, il faut prévoir
l’augmentation du nombre de parkings, l’élargissement des routes,
l’adaptation de toutes les commodités et infrastructures de base aux
nouveaux besoins engendrés par l’augmentation des surfaces à usages
d’habitation et de ce qu’elles impliquent y compris le recalibrage des
installations de l’ONAS, de la Sonède et de la STEG. Les mairies qui se
hasardent à vendre le CUF plus cher même que la société promotrice (5 à 6
fois plus cher) dans le mépris total des clauses des cahiers de charge et
qui accordent des dérogations pour l’augmentation du CUF, sont-elles
conscientes des risques qu’elles font encourir à la zone? Qui de ville
jardin pourrait tout d’un coup devenir une ville surpeuplée, où les eaux
usées déborderont des installations sanitaires dans l’impossibilité de gérer
une densité imprévue.
Quand le cahier de charge n’est pas respecté, quand le CUF est multiplié
par trois, on se demande bien comment on peut réussir une ville
résidentielle haut de gamme, car l’équilibre est rompu.
A qui la faute ? Qui devrons-nous incriminer ? Ceux qui achètent ? Ceux
qui vendent ? Ceux qui contrôlent mal ou peu ?
A quoi cela servirait de faire appel à des spécialistes pour des
aménagements paysagers de qualité, d’investir des centaines millions de
dinars pour créer une ville phare et la voir ensuite se transformer en une
suite de constructions inesthétiques et désorganisées parce que ceux qui
sont censés veiller au respect de la loi, ont été les premiers à
l’enfreindre.
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