Grande-Bretagne : bénéfices des pétroliers, blues du consommateur

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Une station d’essence aux Etats-Unis le 20 septembre 2008 (Photo : Karen Bleier)

[30/10/2008 15:49:56] LONDRES (AFP) La publication des résultats des géants pétroliers BP et Shell cette semaine au Royaume-Uni, marquée à nouveau par des bénéfices énormes, a ranimé le débat dans le pays sur le sort du consommateur, qui subit toujours des prix élevés à la pompe.

BP, qui était un peu à la traîne de son rival ces derniers trimestres, a impressionné mardi en annonçant une progression de 83% de son bénéfice net distribuable, au troisième trimestre, et même une progression de 148% si on retient la mesure préférée des analystes. Shell a annoncé jeudi des progressions respectives de 22% et 71%.

Dans les deux cas, les sommes, dopées par les records atteints par le prix du baril pendant l’été (jusqu’à 147,50 dollars), varient entre huit et dix milliards de dollars, soit, en un seul trimestre, l’équivalent du Produit intérieur brut annuel (PIB) de pays comme le Mozambique, l’Arménie ou le Népal.

Des résultats considérés par les analystes comme “époustouflants” pour BP, “impressionnants” pour Shell.

Les chiffres d’affaires trimestriels sont astronomiques, 105 milliards de dollars pour BP, 132 pour Shell. Pour les neuf premiers mois de l’année, ce dernier est à comparer avec le PIB annuel de l’Autriche.

Tous ces milliards irritent fortement les Britanniques, agacés par l’absence d’une répercussion proportionnée des prix à la pompe, alors que les deux groupes promettent en choeur, BP de “continuer à faire croître les dividendes” des actionnaires, Shell de “continuer à payer des dividendes compétitifs”.

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à Londres le 27 octobre 2008 (Photo : Lewis Whyld)

Ces propos s’ajoutent pour les Britanniques à un contexte de prix de l’énergie particulièrement élevés : les six opérateurs de gaz et d’électricité ont augmenté les prix de ces services entre 9 et 35% cet été, à cause de l’augmentation des prix de gros, et les consommateurs attendent toujours de les voir redescendre.

Le gouvernement a incité les compagnies pétrolières à répercuter pour leur part la baisse du prix du baril. “Le prix du pétrole a été divisé par plus de deux, et, de même que les gens voient immédiatement se répercuter à la pompe les hausses de prix, j’encourage à répercuter aussi le fait que le prix est maintenant” autour de 60 dollars, a commenté le Premier ministre Gordon Brown mardi.

Jeudi, le ministre des Finances Alistair Darling a aussi incité les compagnies pétrolières “à répercuter ces réductions à la pompe aussi tôt que possible, parce que les gens ont aussi le droit d’en voir le bénéfice”.

Les syndicats ont été plus virulents. Tony Woodley, secrétaire général adjoint de Unite, la plus grosse formation du pays, a estimé que “pendant que les pauvres et les plus vulnérables n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois et à se chauffer, les compagnies pétrolières cupides encaissent tellement d’argent qu’elles n’arrivent plus à le compter”.

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Station d’essence BP aux Etats-Unis le 17 octobre 2008 (Photo : Bill Pugliano)

Le porte-parole des libéraux-démocrates Steve Webb a indiqué que “ces bénéfices gigantesques allaient être une pilule difficile à avaler pour les familles qui ont du mal à payer leur facture”.

“La question cruciale est de savoir si ces bénéfices vont être investis dans les besoins énergétiques à long terme du Royaume-Uni, particulièrement les énergies renouvelables, ou s’ils seront simplement dilapidés sous forme de larges dividendes aux investisseurs”, a-t-il dit.

De nombreux députés, y compris travaillistes, réclament aussi un impôt supplémentaire sur ces sociétés. Mais le gouvernement, qui a déjà doublé en 2006 la taxe sur les bénéfices qu’elles réalisent en mer du Nord, y résiste, arguant qu’il a déjà demandé aux compagnies d’énergie du pays de prendre des mesures pour aider les plus faibles cet hiver.