Allemagne : remous autour du rendez-vous manqué de Deutsche Bahn avec la Bourse

photo_1225458317860-1-1.jpg
ût 2008 à Francfort (Allemagne) (Photo : Thomas Lohnes)

[31/10/2008 13:22:25] BERLIN (AFP) Entre appels à la démission d’un ministre accusé d’incompétence et charges contre une direction soupçonnée de cupidité, la privatisation manquée des chemins de fer allemands Deutsche Bahn n’en finit pas de faire des remous.

C’est le 27 octobre que le dernier grand monopole public allemand aurait dû fêter son introduction à la Bourse de Francfort.

Mais l’opération, politiquement sensible et en gestation depuis la Réunification allemande en 1991, a été reportée sine die à cause de la crise financière.

Ce rendez-vous manqué dégénère aujourd’hui en polémiques, qui se concentrent sur le patron de Deutsche Bahn Hartmut Mehdorn, le plus fervent partisan de la privatisation, et surtout sur son ministre de tutelle, le social-démocrate Wolfgang Tiefensee.

En cause : la révélation par la presse d’un programme de bonus totalisant plusieurs millions pour la direction en cas de privatisation réussie. Hartmut Mehdorn bénéficierait de 150.000 à 600.000 euros.

L’affaire fait scandale, sur fond de récession annoncée en Allemagne et de débat concernant la rémunération des patrons.

Pour ne rien arranger, la compagnie a récemment annoncé de fortes augmentations de tarifs et gère de manière chaotique les retards provoqués par des inspections de sécurité sur ses trains à grande vitesse ICE.

photo_1225458525631-1-1.jpg
à grande vitesse (ICE) de la Deutsche Bahn en gare de Mainz (Allemagne), le 7 septembre 2008 (Photo : John Macdougall)

Le quotidien Süddeutsche Zeitung a enfoncé le clou vendredi en révélant que, indépendamment de toute introduction en Bourse, les dirigeants de Deutsche Bahn se sont accordés de fortes hausses de salaires pour 2009, atteignant souvent 20%.

“Toute la direction doit prendre la porte”, réclamait vendredi Winfried Hermann, expert des questions de transport du parti d’opposition les Verts, ajoutant : “le gouvernement ne contrôle plus rien.”

Après les premières fuites dans la presse, le ministre Wolfgang Tiefensee avait critiqué avec virulence le programme de bonus, et appelé les dirigeants de Deutsche Bahn à y renoncer.

Il avait ensuite tenté d’enrayer la polémique en renvoyant son secrétaire d’Etat Matthias von Randow, qui aurait donné son feu vert au programme de bonus en juin. Sans informer M. Tiefensee, qui n’aurait pris connaissance des bonus que mi-septembre.

“A cette date, il n’y avait plus rien à faire” sous peine de compromettre l’introduction en Bourse encore espérée, a dit son porte-parole vendredi. Sans pouvoir expliquer pourquoi son patron n’a dénoncé ces primes que fin octobre.

photo_1225459172351-1-1.jpg
ère allemande Angela Merkel (G) et le ministre allemand des Transports Wolfgang Tiefensee (D), le 30 mai 2008 à Berlin (Photo : Michael Gottschalk)

M. Tiefensee ne trouve en revanche rien à redire à l’augmentation de salaires prévue pour les dirigeants de Deutsche Bahn : leurs émoluments ne seraient “pas exorbitants en comparaison d’autres sociétés cotées”, selon son porte-parole.

Face au cafouillage, les remises en cause de la compétence de M. Tiefensee se multiplient.

“La nécessité de préserver les équilibres au sein du gouvernement de grande coalition d’Angela Merkel fait que M. Tiefensee ne sera pas renvoyé de si tôt”, écrivait vendredi le Financial Times Deutschland. “Mais s’il avait un semblant de dignité, il démissionnerait.”

Le Frankfurter Allgemeine Zeitung soulignait qu’en janvier, quand Deutsche Bahn s’enlisait dans un conflit social historique, M. Tiefensee avait déjà limogé un secrétaire d’Etat. Pour le journal, au lieu de chercher des “boucs-émissaires” le ministre “devrait s’en prendre à lui-même.”

Vendredi, le porte-parole d’Angela Merkel a dit brièvement, en réponse à une question, que M. Tiefensee “avait la confiance de la chancelière.”