Les marchés d’Asie replongent lourdement après l’euphorie Obama

[06/11/2008 16:01:00] PARIS (AFP)

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à Tokyo (Photo : Yoshikazu Tsuno)

Une fois dissipé l’effet Obama, la crise s’est à nouveau imposée sur les marchés financiers, unanimement dans le rouge jeudi, alors que la BCE et la Banque d’Angleterre (BoE) ont tenté d’insuffler un peu d’oxygène à l’économie avec une nouvelle baisse des taux.

A 12h45 GMT, la Banque centrale européenne a abaissé pour la deuxième fois en un mois son principal taux directeur, d’un demi-point cette fois, à 3,25%.

Quelques minutes plus tôt, la BoE avait agi de façon encore plus hardie à Londres, en réduisant son taux directeur d’un point et demi — du jamais vu depuis 1981 ! — à 3%. Objectif: soutenir une économie britannique qui s’installe dans la récession.

Les banques centrales suisse et tchèque ont également abaissé leurs taux directeurs jeudi matin.

Ces mesures pourraient cependant ne pas suffire pour doper durablement les marchés financiers, déjà déprimés par la chute de Wall Street mercredi soir. Un mouvement massif de baisse de taux des grandes banques centrales le 8 octobre était resté sans grand effet sur des marchés affolés par l’étranglement du crédit.

Vers 12H30 GMT, Londres cédait 2,46%, Francfort 2,26% et Paris 1,92%, les principales places boursières européennes, victimes de prises de bénéfices, continuant à évoluer en territoire négatif, comme mercredi.

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à la Bourse de New York le 5 novembre 2008 (Photo : Spencer Platt)

Après avoir flambé pendant deux jours, sous le coup peut-être d’une “Obamania” passagère, les Bourses asiatiques ont elles durement rechuté jeudi, Tokyo perdant 6,53%, Hong Kong 7,08% et Séoul 7,56%. Faisant figure de rescapée, Shanghai n’a par contre lâché que 2,44%.

“On dirait que les investisseurs se sont réveillés et se sont aperçus que l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche n’allait pas tout transformer du jour au lendemain”, a ironisé Lee Sun-Yup, analyste chez Goodmorning Shinhan Securities à Séoul.

Mais il est vrai que les indicateurs étaient largement au rouge jeudi, en attendant des chiffres de l’emploi attendus avec crainte aux Etats-Unis vendredi.

La France a révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour 2009, n’espérant plus qu’une progression de son PIB “entre 0,2% et 0,5%” contre 1% auparavant. De même, le gouvernement français a révisé à la hausse sa prévision de déficit public pour 2009, à 3,1% contre 2,7% auparavant, soit au dessus des critères de Maastricht.

Dans le secteur automobile, un des plus durement touchés par la crise, la mauvaise nouvelle est tombée de Londres où les immatriculations de voitures neuves ont reculé de 23% en octobre par rapport à 2007.

En Espagne, c’est la production industrielle qui est en berne, en baisse de 8,8% en septembre sur un an.

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ésident de Toyota Motors, Mitsuo Kinoshita, lors d’une conférence de presse à Tokyo, le 6 novembre 2008 (Photo : Yoshikazu Tsuno)

Et la tendance est la même en Allemagne, où les commandes industrielles se sont elles effondrées de 8% en septembre, soit la plus forte baisse depuis la Réunification, et où on craint “une augmentation notable” des défaillances d’entreprises.

Côté entreprises, l’humeur est également à la déprime. A Tokyo, le numéro deux mondial de l’automobile, Toyota, a ainsi sabré de plus de la moitié sa prévision de bénéfice pour l’exercice 2008-2009, évoquant une “situation sans précédent” pour le marché mondial.

Quant au pétrole, il a touché à nouveau le seuil de 60 dollars le baril pour le Brent à Londres, les opérateurs continuant à redouter une baisse de la demande mondiale. Le baril de “light sweet crude” est lui tombé à 64 dollars.

Dans un rapport publié jeudi, l’Agence internationale de l’Energie s’attend à ce que le prix de l’or noir repasse au-dessus de 100 dollars le baril en moyenne pour la période 2008-2015 et dépasse les 200 dollars en… 2030.

En attendant, les grands acteurs du capitalisme mondial préparent le sommet du G20 du 15 novembre près de Washington, auquel le président élu Barack Obama pourrait participer.

Un Conseil européen extraordinaire doit réunir les chefs d’Etats et de gouvernements des 27 vendredi à Bruxelles, à la veille d’une réunion à Sao Paulo des ministres des Finances et présidents des banques centrales du G20.

Globalement, Européens et pays émergents réclament plus de régulation de la finance internationale, mais ils risquent de se heurter aux Etats-Unis, réticents à toute gouvernance mondiale et que la passation de pouvoir à la Maison Blanche pourrait inciter à l’immobilisme.

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à La Havane (Photo : Adalberto Roque)

Autre problème: les divisions latentes au sein même de l’Union européenne sur ce dossier. Ainsi, certains pays libéraux, comme le Royaume-Uni, ont mis en garde contre le risque de “surrégulation”. D’autres, comme les Allemands, sont opposés à ce qui pourrait être “l’émergence d’un gouvernement européen”.

La plupart des pays européens –Londres traînant des pieds– vont tenter de promouvoir un rôle pivot du Fonds monétaire international (FMI) dans un renforcement de la régulation financière internationale.

L’UE sera encouragée par le nouveau président élu Barack Obama qui a estimé dans une tribune au Wall Street Journal qu'”à un moment comme celui-ci, nous ne pouvons pas nous permettre quatre années de plus (…) sans aucune surveillance financière”.

L’administration Bush a prudemment jugé probable mercredi que ce sommet débouche sur un “plan d’action” à court terme, évitant de grands principes généraux.

Au Canada, un haut responsable du ministère des Finances s’est également déclaré opposé à une refonte en profondeur du système financier mondial, soulignant que son pays allait plaider pour que chaque pays fasse d’abord le ménage chez lui.

Pékin a indiqué de son côté jeudi qu’elle souhaitait une représentation accrue des pays en développement au sein du FMI ou de la Banque mondiale.