La Banque d’Angleterre sort l’artillerie lourde contre la récession

photo_1225974068822-1-1.jpg
à Londres (Photo : Shaun Curry)

[06/11/2008 17:50:47] LONDRES (AFP) La Banque d’Angleterre (BoE) a frappé fort jeudi en baissant d’un point et demi de pourcentage, à 3%, son taux d’intérêt directeur, le ramenant au plus bas depuis plus d’un demi-siècle, et prenant par surprise les économistes.

Avec cette montée au front, la BoE montre ainsi sa volonté de soutenir une économie britannique qui s’installe dans la récession, comme l’ont prouvé encore une série d’indicateurs cette semaine.

Derniers chiffres en date, l’aggravation du marché automobile en octobre au Royaume-Uni, selon l’Association des constructeurs automobiles britanniques (SMMT), qui a été forcée de revoir une nouvelle fois à la baisse ses prévisions d’évolution du marché en 2008 et 2009.

Jeudi également, les prix de l’immobilier au Royaume-Uni se sont affichés en baisse, enregistrant une nouvelle chute annuelle record en octobre, selon l’indice publié par la banque Halifax. Ils ont reculé de 2,2% par rapport à septembre, et de 13,7% sur un an.

Globalement, selon les chiffres de l’Office national des statistiques, la récession est désormais en route : l’économie britannique s’est contractée au 3e trimestre pour la première fois depuis 16 ans, dans une proportion pire que ne le prévoyaient les économistes.

“On a observé une dégradation très marquée des perspectives économiques pour l’économie nationale et mondiale”, confirme la BoE dans le communiqué annonçant sa décision jeudi.

Une baisse d’une telle ampleur n’avait pas eu lieu depuis 1981, alors que le Royaume-Uni était plongé dans une grave récession durant les premières années du gouvernement de Margaret Thatcher.

Les taux d’intérêt sont dorénavant au plus bas depuis plus d’un demi-siècle (1955).

La BoE semble ainsi sortir les armes lourdes face aux mesures plus timorées de ses homologues américaine (1 point de pourcentage), australienne (0,75 point), européenne (0,50 point) ou japonaise (0,20 point).

“Cet énorme revirement par rapport aux taux souligne l’incompétence de la Banque d’Angleterre. Avec plus d’un an pour voir la crise arriver, c’est un changement qui aurait pu se faire de façon plus douce au cours des mois précédents” jugeait pour sa part Clem Chambers, qui dirige le groupe de courtage en ligne ADVFN et se présente comme un gourou de la City.

Après quatre mois de statu quo (d’avril à août), la BoE ne s’était résolue qu’en octobre à rejoindre ses consoeurs et à assouplir sa politique monétaire, dans un mouvement coordonné qui l’avait forcée à rendre sa décision le mercredi, un jour plus tôt qu’à l’habitude.

“La vieille dame (la BoE, ndlr) admet courageusement qu’elle s’est trompée en laissant ses taux inchangés pendant l’été parce qu’elle craignait que la bulle des matières ne fasse exploser les attentes d’inflation”, commentait Stuart Thomson, du cabinet Resolution Asset Management.

Les attentes d’inflation ont été un des arguments majeurs de la BoE, plus encore que l’inflation elle-même, dans la mesure où elles peuvent s’auto-alimenter, en poussant les travailleurs à demander des hausses de salaire et les producteurs à augmenter les prix. Comme il y a deux semaines dans les minutes de sa précédente décision, elle a reconnu jeudi craindre à présent que l’inflation ne passe sous la barre des 2%, son objectif.

Les économistes commencent même à évoquer des craintes… de déflation.

La décision de jeudi a unanimement surpris par son ampleur. “Avec cette décision, beaucoup se demandent à présent si la banque sait quelque chose que les autres ignorent. Le rapport sur l’inflation devrait apporter la réponse”, a estimé Andrew Milligan, de Standard Life Investments.

Le prochain rapport (trimestriel) de la BoE sur l’inflation sera publié le 18 novembre.