Mohamed Messaoudi : l’Administration est en décalage avec la volonté des autorités de développer le secteur des hydrocarbures

18:20 10/11/2008

« La Tunisie n’a pas dit son dernier mot pour ce qui est des
réserves pétrolières. Chaque jour, de nouveaux concepts pour l’exploration
pétrolière apparaissent. Le pétrole est un monde qui n’a pas arrêté d’évoluer »
assure Mohamed Messaoudi, directeur général de la société PA Resources, groupe
suédois dont l’activité principale est la production et l’exploration du pétrole
et du gaz.

Entretien sur les activités d’une compagnie dans un pays où tous les espoirs
sont permis surtout s’agissant de l’or noir.

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Webmanagercenter : combien de champs pétroliers exploitez-vous en
Tunisie ? Quel est votre part du marché tunisien de pétrole et de gaz ?
Quels sont vos projets en cours ?

Mohamed Messaoudi: pour le moment, nous exploitons le champ de Didon qui
est offshore, situé au large des côtes tunisiennes dans le Sud-Est et nous
sommes majoritaires dans les champs de ‘‘Douleb’’, ‘‘Tam Smida’’ et
‘‘Sammama’’ qui sont à l’ouest dans une région montagneuse du gouvernorat de
‘‘Kasserine’’ Ce sont des champs à terre et qui produisent assez peu de
pétrole, disons vers les 600 barils par jour. Nous sommes également
partenaires dans les champs de El Bibane et Ezzaouia. Pour Didon, nous
sommes les opérateurs. Nous avons d’autres activités en Tunisie, dont des
activités d’exploration dans un permis off shore qui s’appelle permis de
‘‘Zarrat’’ dans lequel se trouve le champ de Didon. Ce permis est mitoyen
avec le bloc du 7 novembre situé entre la Tunisie et la Lybie. Ce permis
contient déjà deux découvertes, la première s’appelle Zarat.et l’autre
s’appelle Elyssa. Ces deux découvertes potentiellement importantes sont en
train d’être évaluées. Nous comptons réaliser des forages d’appréciation au
niveau de ces deux champs afin de déterminer les quantités d’hydrocarbures
qui s’y trouvent avant de décider des schémas de développement et de la
commercialité de ces découvertes. Nous possédons également deux permis
d’exploration on shore (à terre) qui sont ‘‘Makthar’’ et ‘‘Jelma’’. L’année
dernière deux puits ont été forés à ‘‘Makthar’’, et nous sommes en train
d’évaluer leurs potentiels. Concernant le permis de ‘‘Jelma’’, nous comptons
y forer deux puits l’année prochaine. Nous sommes partenaires avec l’Etat
tunisien par le biais de l’Etap qui, généralement, décide de participer au
développement d’un champ pétrolier suite à la confirmation de la découverte
et à la mise en place d’un schéma de développement.

Les investissements de PA Resources en Tunisie ont régressé en 2008, par
quoi s’explique ce recul ?

Ce n’est pas tout à fait exact, entre 2008 et 2009, et rien que dans les
forages en mer, nous avons un budget d’environ de $250 millions. Tout au
contraire, nous sommes en train de renforcer nos investissements. Depuis que
PA Resources s’est implantée en Tunisie, notre engagement y a été renforcé.
En 2007, nous avons d’ailleurs réalisé une action unique dans le sens où
nous avons amené une plateforme à Didon. Cela se fait une seule fois dans la
vie d’un champ pétrolier. C’est un investissement important. Toutes les
autres dépenses sont ce que nous appelons un développement complémentaire,
soit des frais d’exploration.

Pensez-vous que la part de l’Etat est trop importante par rapport à celle
de la compagnie elle-même ?

Tous les Etats du monde prélèvent leurs parts. Les taxes ou les royalties
varient d’un pays à un autre. La Tunisie se trouve quelque part au milieu.
Les pays les moins onéreux sont, entre autres, le Royaume Uni, l’Irlande et
la Norvège. Nous sommes beaucoup moins onéreux en Tunisie qu’en Lybie ou en
Algérie. Il est vrai que lorsqu’il s’agit d’exploitations de moyenne taille
et de grandes tailles, il reste profitable pour un investisseur de venir en
Tunisie. Cependant quand ce sont de petites exploitations, les calculs
changent puisque les investissements deviennent trop lourds pour les profits
pétroliers et si les conditions fiscales étaient moins onéreuses, cela
pourrait mieux profiter a l’exploitation des petits gisements qui deviennent
rentables.

Doit-on conclure que quand le champ pétrolier recèle des réserves
importantes, la part de l’Etat est tout aussi importante et lorsque son
potentiel est faible, il y a changement au niveau des quotas ? Et est ce que
cette démarche systématique de l’Etat dérange en quelque sorte les
investisseurs qui ont de petites exploitations ?

Un investisseur étranger vient pour faire des bénéfices, il ne vient pas
dans un pays s’il n’en fait pas. En plus, il a le choix entre un certain
nombre de pays, il va là où il peut gagner le plus. Je devrais toutefois
avouer que lorsqu’il s’agit de petites accumulations, l’Etat tunisien est
compréhensif et il y a toujours un moyen de discuter pour arriver à trouver
une solution équitable pour tout le monde, il y’a toujours une possibilité
de revoir les termes de l’accord préliminaire. Pour notre part, nous ne nous
sommes pas retrouvés dans pareilles situations mais j’imagine que si on s’y
retrouvait, on irait vers l’Etat et je suis sûr qu’on parviendrait à un
accord.

Qu’en est-il des personnels de gestion et d’exploitation, sont-ils
Tunisiens ? Avons-nous les compétences nécessaires pour tout ce qui se
rapporte aux exploitations des hydrocarbures ?

Deux commentaires à ce niveau. Oui effectivement, nous avons des
compétences tunisiennes dans le domaine pétrolier qui arrivent à satisfaire
les besoins actuels en matière de main d’œuvre. Le tableau reste cependant
incomplet parce que lorsque l’on fait appel à une société de services
étrangère, elle se déplace avec son équipe et elle fait également appel à
des professionnels tunisiens. En ce qui nous concerne, nous avons quelques
experts étrangers dans des domaines où il n’existe pas des profils tunisiens
adéquats. PA Resources favorise à compétences égales la main d’œuvre locale
et nous cherchons toujours à former les Tunisiens pour qu’ils prennent la
relève. Nous préparons la relève pour les postes occupes par des experts
étrangers. Il y a un manque de l’expertise à l’échelle mondiale au niveau du
secteur pétrolier et aujourd’hui, cela se répercute avec une demande
croissante pour les qualifications adéquates. Nous avons pour ce qui nous
concerne la chance d’avoir dans notre compagnie une main d’œuvre qualifiée
et professionnelle.

Pensez-vous que les partenariats avec les autres compagnies telles la
compagnie pétrolière canadienne Storm Ventures International Inc vous
permettent de mieux vous positionner par rapport au marché de l’exploitation
énergétique en Tunisie ?

Pour être tout à fait franc, nous pensons que nous offrons un partenaire
de choix aussi bien pour des compagnies nationales que pour d’autres
compagnies d’envergure internationale. Nos qualités d’opérateur dans le
domaine pétrolier ne sont plus à prouver. Nous avons des expertises, nous
avons un background qui montre que nous sommes capables de prospecter,
trouver et exploiter les hydrocarbures d’une façon tout à fait
professionnelle. Nous offrons donc le profil de partenaires de choix
particulièrement en Tunisie qui est un des pays de base pour notre groupe.
Notre partenariat avec Storm Ventures sera certainement fructueux pour tous
les deux et nous sommes favorables à tous les partenariats que ce soit avec
le gouvernement tunisien ou avec d’autres compagnies.

Ces partenariats vous permettent-ils de consolider votre position en
Tunisie et ailleurs ?

Oui ils nous permettent de diversifier le portefeuille et de conforter
notre position.

Nous sommes une entreprise de taille moyenne dans le milieu pétrolier,
nous sommes, je crois le troisième ou quatrième producteur de pétrole en
Tunisie, donc par rapport à la Tunisie, nous sommes relativement bien
placés. A l’échelle mondiale, nous sommes considérés comme une petite
entreprise. Notre monde est compétitif, plus un pays est prospectif, plus il
est riche en ressources d’hydrocarbures et plus il attire des compagnies qui
de par leurs taille font que l’entrée d’une nouvelle compagnie, surtout de
taille modeste, est toujours difficile. D’autre part, notre groupe qui est
relativement petit par rapport aux géants de l’exploitation pétrolière ne
veut pas se disperser géographiquement. Nous voulons être capables de gérer
notre patrimoine dans les meilleures conditions. Nous positionner
géographiquement au-delà de nos capacités est néfaste donc nous pensons que
nous avons définitivement acquis de l’expertise en Tunisie et nous espérons
y consolider encore plus notre place.

Comptez-vous prospecter du côté de l’Algérie, de la Lybie ?

Pour le moment, il n’y a pas de contacts, il n’y a pas non plus de plans
définitifs par rapport à nos projets d’exploitations. Si des occasions
intéressantes se présentent pourquoi pas ? Nous sommes d’autre part présents
en Afrique de l’Ouest et c’est une région qui nous intéresse. Nous sommes
également implantés en Mer du Nord et nous faisons tout notre possible pour
nous développer et grandir dans ces régions.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au niveau de l’exercice
quotidien de votre métier ?

Il y a des difficultés inhérentes aux métiers se rapportant aux
hydrocarbures partout d’ordre technique et il y’ en a d’autres d’ordre
administratif, d’infrastructure, de législation. Ce sont des difficultés
plus importantes que celles que nous pouvons rencontrer en Grande Bretagne
ou en Norvège.

J’estime qu’une des meilleures actions que pourrait réaliser la Tunisie
pour développer le secteur des hydrocarbures serait d’encourager
l’investissement étranger et il y a eu beaucoup d’efforts faits dans ce sens
et pas dans les plus hautes sphères de l’Etat. Malheureusement le problème
se pose au niveau d’échelons plus bas et il est d’ordre purement
administratif. Il y a encore beaucoup de carences auxquelles il va falloir
remédier telles que la paperasserie, la bureaucratie qui fait perdre
énormément de temps pour avoir les autorisations nécessaires alors qu’elles
sont très simples à délivrer. L’Administration est en décalage avec la
volonté des pouvoirs publics de développer le secteur. Conséquence certains
investisseurs sont découragés, partent et ne reviennent plus.

Pensez-vous que le Sud tunisien peut receler d’importantes réserves en
hydrocarbures ?

La Tunisie n’a pas dit son dernier mot pour ce qui est des réserves
pétrolières. Chaque jour, de nouveaux concepts pour l’exploration pétrolière
apparaissent. Le pétrole est un monde qui n’a pas arrêté d’évoluer. Donc
oui, la Tunisie peut receler des ressources intéressantes en hydrocarbures.
Récemment le Sud tunisien a donne de bonnes surprises, la société ENI et OMV
ont réalisé d’intéressantes découvertes.

Le pétrole tunisien est de bonne qualité particulièrement celui produit à
El Borma et dans le Sud tunisien d’une façon générale. Est-ce que la Tunisie
a une chance d’être auto suffisante en pétrole ? Oui, un explorateur est par
essence optimiste. Je pense qu’une politique énergétique audacieuse et plus
favorable à l’investissement et à l’exploration pétrolière et surtout par
rapport à ceux qui prennent des risques pourraient œuvrer à faire bouger les
choses dans le bons sens. Pour le moment, nous avons un régime fiscal moyen
par rapport à ceux qui existent partout dans le monde. Je crois que nous
pouvons mieux évoluer en revoyant les termes fiscaux, en revoyant les parts
de l’Etat dans les toutes petites exploitations et en facilitant les
formalités administratives.