Crise : Washington renonce aux actifs pourris des banques, les marchés dévissent

[13/11/2008 09:25:16] TOKYO (AFP)

photo_1226554012481-2-1.jpg
à la Bourse de Sao Paulo, le 12 novembre 2008 (Photo : Mauricio Lima)

La panique s’est emparée à nouveau jeudi des marchés asiatiques, les investisseurs se désespérant de la volte-face de Washington qui a renoncé à son plan de rachat d’actifs invendables des banques, tout en entretenant les pires craintes pour l’avenir de l’économie mondiale.

Le secrétaire au Trésor américain Henry Paulson a estimé mercredi qu’il était plus simple et plus efficace d’investir directement au capital des banques plutôt que de leur racheter leurs actifs pourris.

Il a indiqué que les 700 milliards de dollars débloqués par le Congrès en octobre pour sauver le système financier pourraient aussi être utilisés pour soutenir l’accès des consommateurs au crédit et pour réduire les risques de saisies immobilières. Mais il a exclu que ces aides puissent bénéficier aux constructeurs automobiles américains qui éprouvent les pires difficultés.

“Les commentaires soudains de Paulson sont décourageants”, s’est désolé Motoki Ichikawa, analyste chez SMBC Friend Securities à Tokyo.

Les propos de M. Paulson ont déclenché une nouvelle crise de panique à la Bourse de New York, où l’indice Dow Jones a dévissé mercredi de 4,73% et le Nasdaq de 5,17%. Les investisseurs sont également inquiets de la morosité des consommateurs américains à l’approche des fêtes de fin d’année.

Les chiffres des ventes de détail en octobre et de la confiance des consommateurs aux Etats-Unis doivent être publiés vendredi. Le distributeur de produits d’électronique Best Buy a déjà décrit la période actuelle comme la plus difficile pour les consommateurs depuis sa fondation il y a 42 ans.

Cette nouvelle série de mauvaises nouvelles en provenance d’outre-Pacifique a fait lourdement chuter jeudi les marchés d’Asie.

La Bourse de Tokyo a dévissé de 5,25% en clôture, également déprimée par l’appréciation galopante du yen face au dollar et à l’euro. Le billet vert a replongé brièvement jeudi sous les 95 yens, et l’euro sous les 120 yens.

photo_1226554088654-2-1.jpg
étaire américain au Trésor Henry Paulson, le 12 novembre 2008 à Washington (Photo : Alex Wong)

Sydney a terminé la journée sur un plongeon de 5,86% et Taipei sur un autre de 3,85%. A la mi-séance, Hong Kong dégringolait de 6,63%, Bangkok de 3,04% et Jakarta de 5,92%. Vers 06h15 GMT, Séoul perdait 5,01% et Singapour 2,79%. A contre-courant, Shanghai s’envolait de 3,20% après l’annonce par Pékin de mesures fiscales en faveur des exportateurs.

“Il est choquant de voir que le gouvernement américain n’utilisera rien des 700 milliards de dollars pour acheter des actifs adossés à des hypothèques, ce qui était la première raison d’être du plan de sauvetage”, a écrit Dariusz Kowalczyk, stratège chez CFC Seymour à Hong Kong, dans une note à ses clients.

“La chute des prix des maisons et des titres adossés aux hypothèques est la cause principale de la crise actuelle. Un abandon des tentatives pour résoudre ces problèmes de façon énergique prolongera la récession”, a-t-il jugé.

Les procédures de saisies de logements aux Etats-Unis sont reparties en hausse en octobre, augmentant de 5,1% par rapport au mois précédent, a indiqué jeudi un cabinet spécialisé. Sur un an, ces procédures sont en hausse de 24,6%.

Les grands pays développés et émergents du G20 mettent la dernière main aux préparatifs du sommet consacré à la crise financière, samedi à Washington.

Selon le quotidien Nikkei, le Premier ministre japonais Taro Aso projette d’annoncer à cette occasion un prêt au Fonds monétaire international (FMI) qui pourrait aller jusqu’à 100 milliards de dollars, correspondant environ au dixième des énormes réserves de change nippones, pour renflouer les pays ruinés par la crise.

Cette offre colossale augmenterait d’un coup de plus d’un tiers les ressources actuelles du FMI, qui a été appelé au secours ces dernières semaines par l’Islande, la Hongrie et l’Ukraine.

La Maison Blanche a dit attendre du sommet une “discussion vigoureuse avec des résultats très concrets”. Les grands argentiers de 35 pays africains réunis à Tunis ont pour leur part condamné l’isolement international de l’Afrique, qui craint d’être durement frappée par la crise, et réclamé une voix au chapitre.

photo_1226558162502-2-1.jpg
Panneau de cotations de la Bourse de Taipei, le 13 novembre 2008 (Photo : Sam Yeh)

Le sommet de Washington “sera le début d’un processus, d’un travail acharné et difficile d’experts pour une régulation de cette économie de marché, que tout le monde connaît et approuve”, a déclaré le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner, en visite aux Etats-Unis.

Les cours du brut poursuivaient leur repli. Dans les échanges matinaux en Asie, le prix du baril de “light sweet crude” pour livraison en décembre reculait reculait de 92 cents à 55,24 dollars le baril, alors que le rapport mensuel de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) devrait confirmer jeudi la détérioration de la demande pétrolière.

Après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, d’autres grands pays industrialisés doivent publier dans les jours qui viennent les chiffres de leur croissance économique au troisième trimestre, avec le risque pour certains d’entre eux d’officialiser leur entrée en récession, définie par deux trimestres consécutifs de recul du produit intérieur brut (PIB).

Les chiffres du PIB sont attendus jeudi en Allemagne et en Espagne, vendredi en zone euro, en Italie et aux Pays-Bas, et lundi au Japon.

Les résultats des banques continuent d’être plombés par la crise.

En Allemagne, la banque immobilière Hypo Real Estate (HRE) a annoncé une perte nette de 3,1 milliards d’euros au troisième trimestre. En France, Natixis a évalué ses pertes en octobre à environ 250 millions d’euros. Le bancassureur néerlandais ING a annoncé une perte de 585 millions d’euros au troisième trimestre, tandis qu’une troisième banque autrichienne Hypo GroupAlpe Adria a fait appel à l’aide de l’Etat. La deuxième banque japonaise Mizuho envisage, selon la presse, une augmentation de capital de 2,4 milliards d’euros pour redresser sa rentabilité fortement affectée par le recul des marchés.