L’industrie tunisienne du contenu n’existe pas (I)

«Haut débit, industrie du contenu pour le développement», tel est le thème de
la troisième édition d’ICT4All, qui se tiendra à Hammamet les 27 et 28 novembre
prochain. Voici donc l’industrie du contenu sous les projecteurs. Un thème qui
est en lui-même tout un programme, pour une conférence phare, puisqu’elle se
place sous l’égide du ministère des Technologies de la communication, avec
«l’étroite collaboration» d’organisations internationales comme la Banque
mondiale, la Commission des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED),
l’Union internationale des télécommunications (UIT), et bien d’autres encore. En
d’autres termes, il s’agirait de l’événement à ne pas rater pour les
professionnels de la branche.

Force est pourtant de constater l’absence de véritable industrie du contenu dans
notre pays. Il s’agirait plus d’un artisanat qui survit tant bien que mal, grâce
notamment à quelques promoteurs particulièrement audacieux. Mais une hirondelle
ne saurait, à elle seule, faire le printemps. L’année dernière, en juillet 2007
exactement, on a pourtant récompensé les meilleurs contenus en ligne, au cours
du «Tunisia best econtent’ 2007».

Un an plus tard, a-t-on pour autant évolué? La progression est relativement
faible. Parmi les sites primés, au moins un est aujourd’hui tout bonnement hors
ligne. Les plus nombreux n’étant que des sites web d’entreprises, relativement
bien faits, mais à la mise à jour irrégulière et approximative. De petits
travaux de webmasters plus ou moins réussis, mais absolument rien qui laisserait
présager de la soudaine apparition d’industrie du contenu dans notre pays. Si
quelques portails presque systématiquement dédiés à l’économie sont venus,
depuis, égailler le paysage, le contenu tunisien, du moins à l’échelle
industrielle, pèche plutôt par son absence.

Et pour cause. Des chercheurs en sciences de la communication comme Bernard
Miège (pour ne citer que lui) rappellent que lesdites «industries du contenu,
pour une bonne part, sont en continuité avec les industries de la culture, de
l’information ou avec des médias de masse». En somme, les «industries
classiques» de la musique, du cinéma, de la vidéo, de la presse, profitent d’un
nouveau canal, même si ce dernier a aussi quelques règles spécifiques. Or les
industries culturelles, seules à même de produire réellement du contenu, ne sont
pas particulièrement développées dans notre pays.

D’autre part, les innovations technologiques, comme l’ADSL, la télévision mobile
(si, si, ça existe même dans des pays frères), le G3 (le haut débit sur
téléphone portable) trouvent quelques peines, à des degrés divers, à avoir la
place qu’elle mérite en terre tunisienne. Or, l’industrie du contenu dépend
essentiellement de ces deux facteurs. Primo, la préexistence de véritables
industries culturelles. Secundo, la diffusion massive de technologies qui
permettent justement la numérisation et donc la propagation du fameux contenu.
Deux facteurs conjugués qui amènent d’autres intervenants, comme notamment ceux
liés aux télécommunications à faire émerger de nouvelles structures, et imposer
une nouvelle donne. Une nouvelle donne qui permet aux industries culturelles
(jeux vidéos) compris, de se tailler la part du lion dans des pays comme le
Japon, la Corée, la France, les Etats-Unis.

Mieux : la part des industries du contenu dans le PIB pourrait même refléter le
degré de l’ancrage d’une économie dans ce 21ème siècle naissant, et donc de son
développement. A cet égard, le thème de la conférence, «Haut débit, industrie du
contenu pour le développement», est particulièrement bien choisi. Reste tout de
même à favoriser l’émergence d’une «industrie de contenu» dans notre pays.

(Prochain article : Pour l’émergence d’une industrie tunisienne du contenu (II)

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