En 2007, tout autant que durant les dernières années, la croissance
tunisienne a été tirée, essentiellement, par la consommation des ménages dont la
demande a été dopée par le crédit à la consommation.
Pour la seule année 2007, l’endettement global des particuliers auprès des
banques, tel que recensé par la Centrale des crédits à la Banque centrale de
Tunisie, a totalisé, au cours de cet exercice, 6.333 millions de dinars (plus
que le tiers du budget général de l’Etat pour 2009) contre 5.328 millions de
dinars une année auparavant.
Cette évolution est due à l’accélération de l’encours des crédits à moyen et
long termes qui sont passés de 3.065 millions de dinars en 2006 à 3.790 millions
de dinars en 2007, soit une augmentation de 23,7% par rapport à l’année
précédente. Ces crédits ont servi, à hauteur de 3.557 millions de dinars, à
acquérir des logements neufs et à financer des extensions d’anciens logements.
Ils ont été utilisés également pour acheter des véhicules (198 millions de
dinars), des chauffe-eaux solaires (8 millions de dinars) et des ordinateurs (26
millions de dinars). Les prêts universitaires ont accaparé seulement 1 million
de dinars.
Quant aux crédits à court terme, ils ont augmenté, en 2007, à 2.543 millions de
dinars contre 2.263 millions de dinars. Les nouveaux crédits ont été consentis à
hauteur de 60% (2.137 millions de dinars) pour couvrir les dépenses courantes.
Si nous avançons ces chiffres, c’est tout juste pour dire que la consommation
joue -aux côtés de l’exportation et de l’investissement- le rôle de moteurs de
croissance en Tunisie.
La note d’orientation pour la décennie (2007-2016) en tient compte et retient
l’évolution de la consommation comme un facteur essentiel du schéma de
développement de cette étape dans la mesure où elle favorise le bien-être sans
porter préjudice aux équilibres généraux.
Et pourtant, en dépit de cette contribution significative à la croissance, le
discours officiel reste presque muet sur ce sujet.
Pour ne pas être malhonnête, il faut reconnaître que ce dossier a été abordé
brièvement par M. Ridha Touiti, ministre du Commerce et de l’Artisanat, à
l’occasion de la discussion par le sénat du projet de loi sur la création d’un
Institut national de la consommation (6 novembre 2008).
Dans l’ensemble, et selon notre avis, le gouvernement évite d’en parler en tant
que source de croissance et ne se démène pas beaucoup pour créer des
institutions et structures d’appui solides pour rationaliser la consommation et
en faire un facteur pour améliorer la qualité des produits et services.
Si on établit un parallèle entre les trois moteurs de croissance en Tunisie, en
l’occurrence l’investissement, l’exportation et la consommation, on relève tout
de suite tout l’intérêt institutionnel porté aux deux premiers.
A titre indicatif, l’investissement est promu par une inflation de fonds
spéciaux, de salons et de structures d’appui décentralisées très dynamiques :
Agence de promotion de l’industrie, Agence de promotion des investissements
extérieurs (FIPA), Agence de promotion des investissements agricoles (APIA),
Conseil supérieur de l’investissement, FOPRODI, incitations fiscales et
financières instituées dans le cadre du Code d’incitations aux investissement,
Forum de Carthage, salons….
Idem pour l’exportation, cette source de croissance bénéficie à son tour de
moult fonds sectoriels et structures d’appui : Centre de promotion des
exportations et divers fonds de promotion (Fodex, Famex…), Conseil supérieur des
exportations, salons itinérants, foires, actions de promotion diverses…
Quant à la consommation, elle est soutenue, jusqu’ici, par la chétive
Organisation de défense du consommateur (ODC), le Conseil national de la
consommation, et tout récemment, par la création d’un Institut national de la
consommation (INC). Ces institutions souffrent par leur non neutralité. Elles
relèvent toutes, y compris l’ODC, du bon vouloir de l’administration.
Est-ce nécessaire de rappeler à titre indicatif que l’INC français sur lequel a
été calqué l’INC tunisien se distingue par son indépendance. Cette institution,
qui réalise des essais comparatifs et produit des études juridiques et
économiques, s’appuie sur un arsenal de médias indépendants. Pour ne citer que
quelques uns : le magazine sans publicité, Un million de consommateurs, Conomag,
émission télévisée diffusée sur France 2, France 3, France 4 et RFO, le site
électronique www.conso.net qui présente le mouvement consommateur, le site
www.ctaconso.fr destiné aux jeunes consommateurs, la lettre hebdomadaire INC
Hebdo consacrée à l’actualité du consumérisme.
C’est pour dire encore une fois que le problème de la consommation en Tunisie
réside dans la non crédibilité structurelle des institutions en charge du
dossier et dans la sous-utilisation de cette source de croissance pour exercer
la pression requise sur les producteurs et prestations de services et partant
pour améliorer la qualité à tous les niveaux.