Le patron de Carrefour évincé sur fond de brouille avec l’actionnaire principal

[18/11/2008 16:16:26] PARIS (AFP)

photo_1227008941301-2-1.jpg
énéral de Carrefour José Luis Duran en 2006 à Pékin (Photo : Str)

José Luis Duran va être remplacé à la tête de Carrefour par Lars Olofsson, un dirigeant de Nestlé, payant ses divergences avec le principal actionnaire du numéro deux mondial de la distribution, Blue Capital, et des décisions, en début d’année, inadaptées à une consommation en berne.

Alors que des rumeurs avaient circulé cet été sur un possible remplacement de M. Duran, démenti alors par l’intéressé, Carrefour a finalement annoncé mardi la nomination de M. Olofsson comme directeur général. Ce Suédois de 56 ans, qui n’avait jamais encore occupé de poste de cette envergure, a fait l’essentiel de sa carrière chez Nestlé, numéro un mondial de l’agroalimentaire, où il est directeur général chargé du développement stratégique et marketing.

“Homme de l’industrie, Lars Olofsson devrait rassurer les équipes de Carrefour qui pouvaient craindre de voir arriver un financier bon teint à la tête du groupe”, note Christian Devismes, analyste au Crédit Mutuel-CIC.

Toutefois, ce dernier juge “limitées” ses marges de manoeuvres et n’attend qu’une “accélération des chantiers” initiés par José Luis Duran.

M. Olofsson va rejoindre Carrefour en janvier et sera proposé au poste d’administrateur lors de la prochaine assemblée des actionnaires fin avril.

José Luis Duran, 43 ans, assure la transition. A son arrivée à la tête du groupe en 2005, il avait réussi à redorer le blason de Carrefour en perte de vitesse, en lançant un plan triennal axé notamment sur une baisse des prix ainsi que des ouvertures de magasins tous azimuts en France et dans les pays émergents.

Les hypermarchés gagnent alors de nouveaux clients, la rentabilité augmente, le titre remonte en Bourse.

photo_1227009041663-2-1.jpg
é de Lars Olofsson

Mais en 2008, M. Duran n’anticipe pas les changements de comportement des consommateurs en France, où Carrefour réalise 40% de son chiffre d’affaires. Il réduit les promotions au moment où les clients, en mal de pouvoir d’achat, se tournent davantage vers les enseignes à bas prix.

Les mauvais résultats enregistrés au premier trimestre contraignent le groupe de distribution à revoir en juillet en baisse ses prévisions de bénéfices pour 2008.

C’est la fin de la période de grâce pour José Luis Duran et son départ est évoqué par la presse.

M. Duran reconnaît son erreur et lance un nouveau plan de relance, avec baisse des prix, accélération de la réduction de la taille des hypermarchés et recul des investissements en Europe de 200 millions d’euros.

Les premiers fruits se font sentir dès le troisième trimestre, puisque le groupe enregistre une hausse de 7% de son chiffre d’affaires (24,7 milliards), mais cela ne suffira pas à le maintenir en place.

Le départ de M. Duran s’explique aussi par des divergences avec le principal actionnaire Blue Capital, détenu à parité par Bernard Arnault (patron de LVMH) et le fonds américain Colony Capital.

Blue Capital, qui détient 13,55%, est entré au sein de Carrefour début 2007, à la surprise générale.

Dés son arrivée, pressé de valoriser sa mise, ce nouvel actionnaire s’était montré favorable à la cession de certaines activités, notamment de l’enseigne à bas prix Dia ou d’une partie de la foncière Carrefour Property. Selon des informations parues alors dans la presse, Colony Capital aurait même souhaité la vente de magasins chinois ou brésilien, vaches à lait de Carrefour.

Aucune de ces opérations n’a encore eu lieu, mais Blue Capital a pesé sur la mise en place d’un changement de statut de Carrefour, devenu cet été une société dotée d’un conseil d’administration. Signe de la mésentente, M. Duran n’a pas été autorisé à y siéger.