[19/11/2008 16:56:01] PEKIN (AFP)
étaire américain au Trésor Henry Paulson et le ministre chinois des Finances Xie Xuren à Pékin, le 3 avril 2008 (Photo : Oded Balilty) |
La Chine est devenue le premier créancier de l’Etat américain, donnant une nouvelle illustration de l’imbrication croissante des économies de ces deux puissances de la planète.
Pékin a accru sa part en bons du Trésor américain de 541,4 milliards en août à 585 milliards de dollars en septembre, dépassant désormais le Japon, dont les avoirs ont fait le mouvement inverse, passant de 586 milliards en août à 573,2 en septembre, selon les statistiques du Trésor.
Première puissance économique mondiale, les Etats-Unis s’appuient depuis longtemps sur les achats de leurs obligations d’Etat par l’étranger pour financer leur gigantesque dette.
Le phénomène “illustre le lien symbiotique entre l’excès d’épargne chinoise et le manque d’épargne aux Etats-Unis”, relève Jean-François Huchet, directeur du Centre d’études français sur la Chine contemporaine (CEFC) à Hong Kong.
“Mais on y voit bien aussi les limites de ce que peut faire la Chine” en matière d’investissements, ajoute-t-il.
Car si la Chine est assise sur un matelas d’or –quelque 1.900 milliards de réserves de change en septembre– elle n’a pas autant de possibilités de placements “sûrs” qu’elle le souhaiterait.
Or ces réserves s’accroissent très rapidement, apportant au pays des masses de devises alors que le yuan lui n’est pas convertible et obligeant la Banque centrale à des opérations de stérilisation. Une part de ces dollars repart directement à l’étranger.
“Depuis deux ans, on parle beaucoup de diversification des placements souverains, mais celle-ci reste très faible dans le portefeuille”, relève M. Huchet.
Pékin a mis sur pied des institutions précisément pour aider à cette diversification, comme le fonds souverain China Investment Corporation (CIC) lancé à l’automne 2007.
Mais “ces institutions sont très jeunes et ont déjà été critiquées après des investissements dans Blackstone, les banques etc. ; elles commencent tout juste à se positionner dans le contexte de turbulences internationales”, souligne le responsable du CEFC.
Pékin avait ainsi investi en mai 2007 quelque trois milliards de dollars dans le fonds américain Blackstone, introduit en Bourse le mois d’après. Le fonds chinois a vu depuis son investissement fondre, avec la chute de l’action Blackstone.
à Shanghai (Photo : Mark Ralston) |
Malgré la crise, “les obligations américaines restent un des placements les plus sûrs de la planète pour les Chinois”, dit le spécialiste.
Pour certains experts, l’investissement chinois vise aussi à soutenir un partenaire économique de premier plan.
“Les Etats-Unis ont besoin d’aide et je pense que la Chine comme le Japon sont prêts à aider. Ils ne voient pas d’alternative au dollar pour le moment”, estime Andy Xie, un économiste indépendant de Shanghai.
“La Chine investit une partie de ses très confortables réserves aux Etats-Unis car elle veut que les taux d’intérêt y restent modérés: ses exportations dépendent de l’attitude du consommateur américain”, explique aussi François Gipouloux, directeur de recherche au CNRS et chercheur invité de l’université Tsinghua à Pékin.
“C’est une façon de soutenir le marché américain, grand absorbeur d’exportations chinoises. Il y aurait des produits plus rentables et c’est d’ailleurs ce que certains pensent en Chine, que leur argent serait mieux placé ailleurs”, ajoute-t-il.
Mais cela revient à accroître aussi l’interdépendance des deux économies, la Chine n’étant pas susceptible de se débarrasser brusquement de ses actifs en dollars, “sauf à se tirer une balle dans le pied” dit un expert occidental.
“A terme il y aura diversification, mais elle se fera de manière progressive”, affirme Jean-François Huchet.