En toute logique économique, les prix à la production agricole
doivent couvrir le coût de production et garantir, à l’agriculteur, des gains
acceptables devant l’inciter à poursuivre son activité à accroître la
production. De même, en toute logique économique, les produits agricoles, qui
bénéficient d’une subvention doivent profiter, par ricochet, au consommateur.
Hélas, cette logique n’est pas respectée en Tunisie. C’est
pourquoi, l’harmonisation entre le coût de production agricole, le prix à la
production et les prix à la consommation constitue le plus important défi que
pouvoirs publics, syndicats agricoles et consommateurs doivent relever durant
les prochaines années.
S’agissant du coût de la production (achat d’intrants-accessoires agricoles,
coût du travail), celui-ci n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Et
pourtant, et comme le démontre l’ensemble des études sectorielles effectuées par
l’administration agricole et l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche
(UTAP), l’augmentation du coût à la production n’a pas été accompagnée d’une
majoration correspondante des prix à la production.
Selon ces mêmes études, une comparaison entre l’évolution du coût de
production du lait, des pommes de terre et des tomates et celles de prix de ces
produits révèle des écarts préjudiciables à l’agriculteur et au consommateur.
A titre indicatif, le coût de production du lait a augmenté, durant la
dernière décennie, de 53% alors que le prix à la production de ce produit n’a
évolué que, tout récemment, de 42% environ. La dernière augmentation du prix à
la production du lait remonte, au 15 novembre 2008.
Officiellement, cette majoration du prix du lait a pour objectif d’encourager
la production de lait et d’améliorer le revenu des agriculteurs, outre les
encouragements prodigués aux éleveurs pour préserver et développer le bétail.
Il en va de même pour les viandes rouges, leur coût de production a cru, au
cours de la même période, de 48% contre 16% des prix à la production.
Le coût des pommes de terre a évolué de 40% alors que leur prix à la
production n’a progressé que de 6%. Les tomates, enfin, leur coût a augmenté de
45% alors que leur prix à la production n’a cru que de 16%, et ce seulement à
partir de la dernière saison.
Certaines filières ont néanmoins bénéficié, en 2008, d’augmentations
significatives des prix à la production, par l’effet de la flambée des cours
mondiaux des produits de base alimentaires et du déficit pluviométrique. C’est
le cas des céréales.
Leur prix à la production est passé de 32 dinars à 40 dinars le quintal. Par
l’effet de la prime exceptionnelle instituée pour la saison 2008-2009, le prix
du blé dur et du blé tendre a augmenté de 15 dinars. Le prix de l’orge et du
triticale a augmenté au fort taux de 50%.
Du côté de la consommation, il n’est pas inutile de rappeler cette
lapalissade : l’agriculteur commercialise sa production en fonction des prix à
la production et non de ceux de la vente au détail. En clair, il n’existe pas de
lien entre les prix de vente du producteur et ceux des produits achetés par le
consommateur.
Les prix de vente au détail sont, hélas, l’œuvre de l’intermédiation. Le prix
du lait frais est vendu à la production à 550 millimes en 2008 et au détail à
900 millimes, presque le double.
Résultat : les sacrifices consentis par les éleveurs, c’est-à-dire le fait de
vendre en deçà du coût à la production (le coût du fourrage a augmenté de 70%
entre 2006 et 2008), ne profitent, in fine, ni au consommateur ni à la filière
qui demeure fragile en raison de l’accroissement des coûts.
La solution réside dans l’accélération de la mise à niveau des circuits de
distribution et l’intensification des stocks régulateurs (conditionnement,
réfrigération …) et la promotion des contrats contraignables entre
l’agriculteur, l’exportateur, le conditionneur et l’industriel.