L’industrie du contenu sera au cœur des débats de la
troisième édition d’ICT4All, qui se tiendra à Hammamet les 27 et 28 courant. Une
opportunité pour nous de proposer quelques pistes de réflexion pour permettre
enfin l’émergence d’une industrie du contenu dans notre pays.
Dans un document intitulé «Priorités de la Tunisie dans le domaine de
l’enseignement supérieur» (disponible sur le portail de nos universités
nationales www.universites.tn), publié en 2004, on se rend compte que l’Etat
tunisien est parfaitement conscient des enjeux que représente l’industrie du
contenu dans notre pays. Il est ainsi question de l’encourager, «d’innover dans
les créneaux porteurs (Humanités appliquées, Langues, Arts et Métiers,
Informatique et communication …), de moderniser les moyens pédagogiques et les
méthodes d’enseignement (renouveler les contenus, promouvoir la qualification
des enseignants, de réformer la gestion des établissements d’enseignement
supérieur…)». Bref, autant de volets pour un programme ambitieux, destiné à la
fois à «renforcer l’industrie du contenu et développer la formation à distance».
A cet égard, les Tunisiens ont vu juste. Mais la concrétisation n’est pas
toujours facile à mettre en œuvre. L’industrie du contenu nécessite une approche
transdisciplinaire, une synergie entre des compétences variées. Or, pendant des
décennies, l’école tunisienne a rigoureusement séparé les scientifiques des
littéraires. Les uns se retrouvent avec quasiment aucune notion artistique, les
autres paniquent face à la moindre équation. Un état d’esprit qui perdure malgré
les quelques réformes engagées qui, il faut bien l’avouer, ne plaçaient pas
l’industrie du contenu au centre de leurs préoccupations.
Mais au-delà du sempiternel problème de la qualification professionnelle, une
autre question se pose avec une certaine acuité. Celle liée au droit d’auteur.
La plupart des boutiques de gravure de CD, qui offrent des films du monde entier
pour à peine 2 dinars, ne proposent pourtant pas, dans la plupart des cas, de
longs-métrages tunisiens. Et pour cause. L’action vigilante des autorités a
contribué à protéger les droits de nos producteurs, qui ont déjà bien du mal à
se faire une place au soleil. Pas question, donc, de les laisser se faire
piétiner sur un marché local exigu par nos pirates. Et si une telle action a
permis de protéger nos cinéastes du piratage, pourquoi ne serait-elle pas
possible pour aider nos créatifs multimédia ?
L’industrie du contenu est d’autant plus intéressante pour un pays tel que le
nôtre, qu’elle n’exige pas de lourds investissements matériels. La baisse des
prix de l’électronique grand public, couplé au boom du matériel numérique,
permet de s’équiper à peu de frais du nec plus ultra de la technologie. Caméras
digitales, ordinateurs, périphériques, n’ont jamais été aussi accessibles. Les
barrières à l’entrée dues au coût des moyens de production sont tombées, et cela
reste valable même en Tunisie. Or, ces éléments ne semblent pas avoir favorisé
outre mesure l’émergence de nouvelles vocations, à l’exception de quelques
success stories.
Certainement par le manque de qualification de notre jeunesse, mais aussi
pour des raisons matérielles. Les banquiers et autres financiers classiques du
monde de l’entreprise, n’ont pas toujours intégré la nouvelle donne économique.
Les projets du monde virtuel (fussent-ils culturels) ayant aussi quelques
besoins bien réels, ne serait-ce que pour payer les salaires au moment du
lancement de l’entreprise.
«The medium is the message», a affirmé Mc Luhan, le premier à avoir évoqué le
concept de «Village Global». Evoquant ainsi l’importance du canal utilisé dans
l’élaboration de la production médiatique ou culturelle. Pour parler
d’industries du contenu, on ne peut donc faire l’impasse sur le développement de
l’Internet. Or, là aussi, nous avons encore du chemin à faire.