éenne à la Concurrence Neelie Kroes, le 12 novembre 2008 à Bruxelles (Photo : Dominique Faget) |
[28/11/2008 15:21:40] BRUXELLES (AFP) Quelques jours après des perquisitions dans le secteur pharmaceutique, la Commission européenne a accusé vendredi les grands laboratoires de gêner l’accès au marché de médicaments moins chers, notamment génériques.
Ces copies de médicaments dont les brevets ont expiré sont commercialisées à des prix inférieurs à ceux de leurs modèles de marque, un argument de poids face aux déficits de beaucoup de systèmes d’assurance maladie européens.
Chaque Européen a dépensé en moyenne 430 euros en médicaments en 2007, soit un marché total pour l’UE de 214 milliards d’euros. Et le coût d’un traitement baisse de 20% l’année suivant l’apparition des génériques.
“L’entrée des entreprises de génériques sur le marché et la mise au point de nouveaux médicaments plus abordables sont parfois entravées ou retardées, entraînant des coûts substantiels pour les systèmes de soins de santé, les consommateurs et les contribuables”, a affirmé la commissaire à la Concurrence Neelie Kroes.
Elle tirait les premières conclusions d’une enquête sectorielle lancée mi-janvier avec des perquisitions chez plusieurs grands groupes, dont le français Sanofi-Aventis, le suisse Sandoz (filiale de Novartis) et les britanniques GlaxoSmithKline et AstraZeneca.
Bruxelles a ensuite envoyé des questionnaires détaillés à de nombreux acteurs du secteur, des laboratoires qui fabriquent les médicaments aux pharmacies qui les vendent, en passant par des médecins, des patients, des autorités sanitaires…
Pour l’échantillon de 219 molécules examiné, le lancement plus rapide de génériques aurait permis d’économiser 3 milliards d’euros sur la période 2000-2007, estime Bruxelles, qui critique notamment “des stratégies défensives en matière de brevets”.
Gagner quelques mois d’exclusivité peut rapporter gros, surtout pour un “blockbuster” – un médicament affichant plus d’un milliard d’euros de ventes annuelles.
Alors, tous les moyens sont bons, accuse Bruxelles: dépôt de brevets multiples pour une même molécule, recours judiciaires abusifs, pressions sur les autorités nationales pour empêcher l’agrément d’un générique, voire versements d’argent pour convaincre un concurrent de renoncer à un marché.
“Si je suis dans une situation privilégiée et que je sais que vous allez entrer dans mon jardin, alors j’essaye de m’entendre avec vous: vous obtenez un peu d’argent, et vous restez en dehors de mon jardin”, résume Neelie Kroes.
Des “vieux mythes”, rétorque la Fédération européenne de l’industrie pharmaceutique EFPIA, qui parle de “règlements à l’amiable” de litiges.
Le rapport “surestime le niveau et les raisons des retards dans l’accès des génériques au marché”, c’est “une occasion manquée” de s’attaquer au manque de concurrence entre médicaments génériques, juge le président de l’EFPIA, Arthur Higgins, également patron de la branche santé du concepteur de l’aspirine, l’allemand Bayer.
“Quand il y a des incitations économiques, les génériques sont sur le marché dans les quatre mois ou moins après l’expiration d’un brevet”, assure-t-il. “Nous sommes favorables à un marché des génériques efficace” car ils “dégageront des économies qui pourront être réinvesties” dans d’autres produits.
Derrière la levée de boucliers de l’EFPIA, la menace est réelle: le rapport ouvre la porte à l’ouverture dans les mois qui viennent d’enquêtes de Bruxelles contre les grands laboratoires.
Mais les fabricants de génériques ont aussi du souci à se faire.
Leur leader mondial, l’israélien Teva, a eu des visites surprise d’inspecteurs de Bruxelles en début de semaine, sur des soupçons de pratiques anticoncurrentielles, tout comme le français Servier, maison mère du fabricant de génériques Biogaran.