De notre envoyé spécial à Casablanca, Moncef Mahroug
«En chinois, le mot crise signifie à la fois danger et opportunités». En
inaugurant la «première conférence économique », organisée par sa banque, le 13
novembre 2008, à Casablanca, pour «analyser les retombées de la crise sur
l’économie marocaine et élaborer des scénarios. », Mohamed Kettani président d’Attijariwafa
Bank, annonce ainsi la couleur : le pays du roi Mohamed VI risque certes de
pâtir de la crise, mais il peut aussi, d’une certaine manière, en tirer profit.
Car, note le patron d’Attijariwafa Bank, «la fin d’un monde n’est pas la fin du
monde. » Constat confirmé par Alexandre Adler, journaliste et historien, qui
pense qu’on assiste «à la fin d’un certain capitalisme, et non à la fin du
capitalisme» et croit que «les règles du jeu vont être réécrites et pour
longtemps. »
Pour ce spécialiste de la géopolitique internationale, la crise financière
internationale a ses gagnants –notamment la Chine et le Brésil- et ses perdants,
«ceux –Russie, Vénézuela, Algérie- qui ont joué avec les rentes au détriment des
développements industriels. »
D’autres sont dans une position intermédiaire. C’est le cas Maroc qui, selon
Alexandre Adler, «a la chance de ne pas avoir de matières premières », et peut
tirer son épingle du jeu –«peut être un peu mieux que la Tunisie » qui est,
selon lui, dans «une situation plus difficile, en raison de l’étroitesse de son
marché intérieur.» Car, pour cet expert s’il y a une leçon à retenir, c’est
celle-ci : «Il ne faut pas baisser de garde sur les produits manufacturés et
développer davantage les marchés intérieurs.»
Concernant le Maroc, Jacques Attali, l’ancien conseiller de François Mitterrand,
puis président de la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement
(BERD), partage l’analyse d’Alexandre Adler. Il pense qu’avec une «économie et,
en particulier, une industrie, bien développée, un tourisme qui vu le nombre de
touristes augmenter de 3 millions en cinq ans, des banques marocaines bien
gérées, une banque centrale qui a mis la législation aux meilleurs standards et
peu d’investissements étrangers en bourse », ce pays est «bien placé pour
résister. »
Toutefois, à l’image de l’Afrique, qui, dans son ensemble, est moins affectée
par la crise que d’autres, en raison de sa «croissance forte, de sa faible
contamination par les produits financiers sophistiqués », le Maroc, «ne pourra
pas ne pas être touché.»
Les conséquences de la crise internationale prendraient la forme d’une baisse
dans domaines : exportations, IDE, transferts des Marocains Résidents à
l’Etranger (MRE) et recettes du tourisme. Mais ce secteur n’est pas pour autant
condamné au Maroc. Il pourrait même «tirer avantage de cette situation », à
condition de sacrifier à plusieurs conditions.
Biens qu’il ait, selon Jacques Attali, «le meilleur rapport qualité/prix de la
Méditerranée », le Maroc va devoir, d’abord, donner de lui l’image d’«un produit
de qualité à bas prix», car on va assister «à l’échelle mondiale à une
concurrence sur les prix », D’autant que, selon l’ancien patron de la BERD, le
développement du commerce électronique va jouer un rôle considérable dans la
baisse des prix.
Ensuite, ce pays doit «afficher son ambition politique et continuer à construire
des hôtels. » Enfin, il va devoir «développer des moyens de transport low cost,
car nous sommes de plus en plus dans un environnement où les décisions seront
prises à la dernière minute ».
L’ancien patron de la BERD entrevoit également des opportunités dans l’offshoring
industriel, car «la crise va pousser les industriels à rechercher des
travailleurs à plus bas prix. »
Cela tombe bien, car le Maroc «entend se battre pour saisir les opportunités »
qui vont s’offrir, affirme Slaheddine Mezouar. Se disant «optimiste, mais d’un
optimisme béat », le ministre de l’Economie et des Finances marocain pense que
son pays peut gagner ou, à tout le moins «maintenir la dynamique » dans laquelle
il se trouve. Surtout qu’il a construit, à cet effet, un «modèle de
développement pour 2009 sur quatre piliers » : «relance de la consommation –à
laquelle 44 milliards de dirhams vont être consacrés-, diversification des
sources de croissance, nouvelles stratégies de développement sectorielles
(tourisme, phosphate), avec un soutien aux petites et moyennes entreprises et,
enfin, un effort exceptionnel en faveur du social (notamment un programme de 8,5
milliards de dirhams pour l’éducation) », énumère M. Zouhair Chorfi et des
Financements extérieurs, directeur du Trésor. Bref, «il y a des opportunités
dans le contexte actuel au Maroc. Il faut les saisir », recommande Slaheddine
Mezouar. Qui termine par un «je vous fais confiance », en forme d’appel lancé
aux hommes d’affaires réunis pour l’occasion par Attijariwafa Bank.