Tunisie, 50ème anniversaire de la BCT : repenser le rôle du FMI pour garantir la stabilité du système financier mondial

«Il est indispensable d’insister sur la nécessité de repenser le rôle du
Fonds monétaire international dans le traitement des problèmes financiers
et monétaires mondiaux ; et cela en lui conférant des prérogatives
universelles en la matière et en consacrant l’engagement de tous les pays,
y compris les pays développés à adhérer à l’exercice d’évaluation du
secteur financier conduit par cette instance internationale», a déclaré M.
Zine El Abidine Ben Ali, Président de la République dans le discours
prononcé en son nom par Taoufik Baccar, gouverneur de la Banque centrale à
l’occasion du syposium intitulé “Le rôle des banques centrales dans la
construction des regroupements régionaux et la gestion des crises
financières” organisé à l’occasion du cinquantième anniversaire de la BCT.
Le chef de l’Etat est rejoint par Christian De Boissieu, président délégué
du Conseil d’Analyse Economique auprès du Premier ministre français et
auteur de nombreux ouvrages et articles sur les questions monétaires et
financières, et sur l’analyse des politiques économiques, invité pour
l’occasion.

Le FMI, ne disposant d’aucun pouvoir réglementaire en matière bancaire et
financière, mais ne pouvant pas non plus intervenir par rapport aux agences
de notation, aux fonds souverains, devrait être doté des outils nécessaires
pour être plus efficace dans son rôle de contrôleur du système monétaire
planétaire. «Le FMI n’intervient que lorsqu’il s’agit des pays en
développement, est-ce qu’on lui a permis d’intervenir ou de traiter la crise
dans les pays développés ?», s’est interrogé un représentant de la Banque
africaine de développement intervenant au nom de M. Donald Kaberuka,
président de la BAD.

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Le chef de l’Etat a appelé à encadrer les méthodes de travail du système
financier… prévenir les surplus de liquidités afin d’assurer l’adéquation
entre les secteurs financier et réel et renforcer les liens entre eux. Il a
également appelé à des normes plus rigoureuses pour la gestion et
l’évaluation des risques et pour l’encadrement par les instances
spécialisées de l’utilisation des produits financiers complexes, ce qui,
selon le président de la République, implique la nécessité d’étendre le
contrôle à tous les organismes financiers dont les activités recèlent un
facteur-risque, y compris les fonds souverains, les fonds d’investissement
et les fonds de couverture.

Pour De Boissieu, le FMI doit jouer un rôle beaucoup plus important dans
la régulation du système monétaire et sa stabilité. Car cette crise
systémique, «le crash vécu dans le monde en 1997 n’est rien à côté de la
crise que nous vivons aujourd’hui», assure-t-il, appelle à une
reconstruction du système monétaire international et exige des solutions
urgentes. «C’est une crise extraordinaire qui appelle à des solutions
extraordinaires». Tout devrait être repensé y compris la refondation du
système bancaire et financier international. Ce qu’il faut aujourd’hui,
c’est accélérer la restructuration des systèmes bancaires dans les pays du
Nord et du Sud, élargir le périmètre de la réglementation prudentielle et
activer le débat sur le système de régulation.

Christian De Boissieu réclame également un meilleur fonctionnement des
agences de notation, l’ajustement des normes comptables internationales et
appelle à mettre au point un code de bonne conduite applicable aux fonds
souverains ainsi qu’à l’amélioration du contrôle interne et de la
supervision externe des institutions financières. «Le FMI doit se consacrer,
à titre principal, à la prévention, à la détection avancée et à la cogestion
des crises bancaires et financières de nature systémique», décrète-t-il.

Parlant de la Tunisie, Philippe de Fontaine Vive, vice-président de la
BEI, a exprimé son plaisir de voir que la BCT a maintenu une politique
monétaire prudente et soucieuse du maintien de la croissance économique
comme toutes les banques centrales de la région du Maghreb.

Du Maghreb et du non Maghreb

«Les mutations économiques mondiales imposent à nos pays d’accélérer la
cadence dans la réalisation du projet d’intégration maghrébine, en tant que
condition indispensable pour s’adapter à ces mutations… des initiatives ont
été prises pour consolider les échanges commerciaux, faciliter les moyens de
financement du commerce extérieur, harmoniser les systèmes de paiement et
les législations bancaires et financières et inciter le secteur privé à
parachever le processus maghrébin de complémentarité et d’intégration…
aujourd’hui, notre vœu est que soient mises en œuvre les mesures prises à
cet effet et tout particulièrement l’entrée en exercice de la Banque
Maghrébine d’Investissement et de Commerce Extérieur…» Cet appel du
président de Ben Ali témoigne de nouveau de la volonté de la Tunisie de
construire un grand Maghreb économique. Le Chef de l’Etat a confirmé
l’importance de cette union qui est “un choix stratégique pour la Tunisie”.

Rappelons que la banque maghrébine, vivement recommandée par le FMI, a
été longuement discutée par les responsables des autorités financières des
pays du Maghreb réunis récemment à Tripoli. La date fixée pour son démarrage
a été 2009. Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Banque centrale du Royaume
du Maroc a déclaré à l’occasion que les pays du Maghreb ont essayé, depuis
les années 80, de constituer une unité monétaire au moment même où les pays
du Golfe démarraient leur processus d’intégration économique. «L’accord de
Marrakech a eu lieu en 1987, des structures politiques, économiques et
financières ont été mises en place pour sa réalisation totale, mais ce
n’était que du vent, en toute honnêteté. En tant que gouverneurs des banques
centrales et ministres des Finances, on aurait voulu dépasser les obstacles.
A l’instar d’un match de football, nous aurions évité le jeu au centre du
terrain et nous rabattre sur les ailes… mais sans une véritable volonté
politique…».

Lors de la réunion de Tripoli et faute de trouver un consensus au niveau
des décideurs politiques, on a jeté la balle aux secteurs privés de nos pays
a précisé M. Jouahri. Mais les secteurs privés ne pourront rien faire sans
être soutenus par leurs Etats. Dans la situation actuelle, je n’ai que
l’espoir de voir construit ce grand Maghreb voulu par les peuples de la
région, a-t-il ajouté. Mais «‘‘Ma la Yodrakou kollouhou, la yodrakou b’adouhou’’,
Ce qui ne peut être réalisé en totalité ne pourrait l’être ensuite, a
relancé le gouverneur de la Banque «Al-Maghrib» alors pourquoi ne pas
commencer à construire ce Maghreb économique à deux, à trois en attendant
une concrétisation totale ?…». Les banques centrales tunisienne et
marocaine ont d’ores et déjà signé un accord de partenariat dans le domaine
du contrôle bancaire.

En Tunisie, personne ne doute d’une véritable volonté politique pour la
construction du Grand Maghreb. Quid des autres ?

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