Treize ans après la conclusion de l’accord d’association, ouvrant la voie à
l’instauration d’une zone de libre-échange, et près d’un an après la pleine
entrée en vigueur de cet espace, la Tunisie et l’Union européenne s’apprêtent à
franchir un nouveau pas sur la voie de l’intégration économique. Les deux
parties viennent de réaffirmer, à deux reprises en quelques jours, leur ambition
et leur détermination à aller de l’avant sur ce chemin. Ils l’ont d’abord fait à
Bruxelles, à l’occasion d’une réunion du Conseil d’association au cours de
laquelle la Tunisie a demandé à bénéficier d’un «partenariat renforcé», à
l’image du Maroc. Demande à laquelle Bruxelles a répondu positivement, indique
M. Hugues Mingarelli, directeur général-adjoint des relations extérieures à la
Commission européenne.
Nouveau saut qualitatif au partenariat tuniso-européen, le colloque «Tunisie-Europe»,
organisé lundi 1er décembre par la Délégation de l’Union européenne à Tunis,
l’ambassade de France et L’Economiste maghrébin, et qui a traité des «prochaines
étapes de la libéralisation des échanges entre la Tunisie et les Vingt-sept»
dans les trois domaines non encore concernés par le processus enclenché en 1996
: les investissements, l’agriculture et les services. Les intervenants,
tunisiens et européens, ont souligné la nécessité, l’importance et les
conditions d’un tel développement.
Premier intervenant tunisien, M. Hédi Djilani, a d’abord exprimé, de nouveau,
une frustration qu’il traîne depuis des années. Cette déception concerne «la
masse des IDE vers la Tunisie», et qui, selon le président de l’Union tunisienne
de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), aurait augmenté plus
fortement à la faveur du traité d’association avec les Vingt-sept. Car, pour M.
Djilani, l’engagement de la Tunisie dans une zone de libre-échange avec l’Union
européenne était un deal dans le cadre duquel ce pays ouvrait son économie et
devait recevoir «en contrepartie un flux plus important d’investissements d’IDE
pour appuyer cette ouverture».
Convaincu qu’il «est inévitable d’étendre le libre-échange à l’agriculture et
aux services», le patron des patrons tunisiens en appelle à un «débat franc» sur
le sujet. Et donne l’exemple en lançant cet avertissement aux Européens :
«N’imaginez pas une seconde de nous demander à nous, citoyens du Sud, de faire
l’effort d’être euro-méditerranéens, avec des moyens 10 à 15 fois inférieurs», à
ceux dont ont bénéficié les pays d’Europe du Sud ou de l’Est pour les aider leur
adhésion à l’Union européenne et à rapprocher leur niveau de vie de celui des
plus riches parmi les «Vingt-sept».
Un message auquel M. Mingarelli, le plus haut représentant de l’Union
européenne à cette rencontre, a répondu promptement en reconnaissant que «la
Tunisie a eu un rôle pionner» dans le lancement du processus euro-méditerranéen,
en étant le premier pays de la rive Sud à signer un traité d’association avec
l’Union européenne, et que «cela nous donne une responsabilité particulière, car
nous devons reconnaître l’effort de la Tunisie et renvoyer l’ascenseur».
Sur le contenu des négociations, M. Abdessalem Mansour, ministre de
l’Agriculture, a affirmé que l’ouverture ne devait pas déboucher sur
«l’élimination de nos petits agriculteurs qui représentent 90% des 200.000
exploitants» et nécessitait la mise en place «de mécanismes de soutien».
En ce qui concerne les services, M. Chokri Mamoghli, secrétaire d’Etat au
Commerce extérieur, a réitéré une demande déjà mise par la Tunisie sur la table
des négociations : «Que le quatrième mode de services, c’est-à-dire le
déplacement physique temporaire des personnes, soit pris en considération» et
qu’«on ne se limite pas aux secteurs faisant appel aux trois autres modes (mode
transfrontalier, consommation de services à l’étranger, et établissement dans le
pays d’accueil)».