La sortie annoncée de l’Entreprise Tunisienne d’Activités
Pétrolières (ETAP) sur le marché international pour lever 400 millions de
dollars pour financer sa participation au capital d’une nouvelle société à créer
avec British Gas pour exploiter en commun le nouveau champ gazier d’Asdrubal
va-t-elle se faire ? La question se pose car, près de vingt mois après le
lancement de cette opération, l’ETAP se trouve dans une situation plutôt bizarre
: l’installation de l’usine appelée à traiter le gaz du nouveau champ est très
avancée, mais le mode de financement retenu pour concrétiser ce projet n’a,
paradoxalement, pas encore pu être mis en œuvre.
Alors que British Gas poussait à une réédition du précédent scénario du champ
… réalisé avec un financement cent pour cent «BG», moyennant le paiement de
royalties à la partie tunisienne, l’ETAP a eu le courage de vouloir tenter une
expérience de joint-venture avec son partenaire britannique en apportant 50% du
financement nécessaire. La décision de la «mère» des entreprises pétrolières
tunisiennes était louable aussi pour le type de financement choisi : le «project
finance», introduit pour la première fois en Tunisie, qui a l’avantage
d’endetter le projet et non l’entreprise publique, et par conséquent très
commode à la fois pour elle et pour les pouvoirs publics puisque l’endettement
de la Tunisie ne s’en trouve pas aggravé. Par contre, le «project finance» n’est
pas du tout facile à mettre en place, car il impose à la partie qui y a recours,
outre un très long et difficile processus, une incontournable mise à niveau de
ses méthodes pour répondre aux exigences des bailleurs de fonds.
Très utile et financièrement intéressante pour l’ETAP, cette opération était
également utile pour celles des banques tunisiennes qui avaient accepté d’y
prendre part, après que la Banque centrale de Tunisie ait donné son feu vert à
une participation des banques locales à hauteur de 120 millions de dollars.
Consciente des contraintes et des avantages du «project finance», l’ETAP a
enclenché le processus au début de l’été 2007, par le lancement de l’appel
d’offres international visant à sélectionner une banque d’affaires appelée à
accompagner l’entreprise pétrolière nationale dans sa sortie sur le marché
international en vue de lever les 400 millions de dollars nécessaires au
financement de sa contribution au capital du nouvelle joint-venture à créer avec
BG.
Après la pré-sélection, dans un premier temps, d’une dizaine de banques, le
choix s’est finalement porté sur l’Arab Petroleum Investments Corporation
(APICORP) -qui jouit d’une grande expérience en matière de montage de
financements de projets dans les hydrocarbures-, accompagné d’un cabinet
britannique d’avocats (Allen & Overy) non moins réputé.
A l’automne 2007, tout était donc en place pour que l’opération «Project
finance» puisse être déclenchée. Malheureusement, certaines décisions
nécessaires à certaines étapes du processus ont tardé à être prises. Et quand
elles l’ont été, la crise financière internationale était déjà là, qui ne peut
pas ne pas avoir d’effet sur ce processus. Notamment, parce que les banques
internationales, dont bon nombres s’étaient montrées très intéressées par le
tour de table proposé par l’ETAP, ont aujourd’hui d’autres chats à fouetter.
D’ailleurs, certaines d’entre elles se seraient ravisées. De plus, à supposer
que toutes celles qui se soient manifestées maintiennent leur engagement, elles
ne pourront certainement pas offrir à l’ETAP les conditions de financement
initialement proposées.
Résultat, on se retrouve aujourd’hui à la case départ, avec l’ETAP –qui
envisage désormais des solutions alternative- obligée de repasser devant le
conseil des ministres. Pour la troisième fois.