L’un des journalistes français les plus informés question
internet a publié un livre. Intitulé « Comment le web change le monde », le
bouquin est en partie disponible en ligne en version PDF (voir
www.transnets.net).
Tout y passe. Le net comme lieu de socialisation, comme marché, bref une
technologie désormais centre de nos vies. Les plus jeunes, ceux qui sont nés
avec le net bien installé dans le paysage, auront désormais un rapport au monde
radicalement nouveau. En rupture totale avec celui des générations précédentes. Les jeunes Tunisiens apprennent ainsi déjà à l’école les technologies.
Quelques années plus tôt, il s’agissait d’un savoir-faire réservé à une
élite, qui monnayait âprement son travail. Mais ce qui était l’apanage d’une
infime minorité, s’est largement démocratisé. Propulser un site web en ligne
serait presque devenu, dans notre un pays, à la portée du premier lycéen venu.
Mais il ne suffit pas d’être né à la « bonne » époque. Encore faudrait-il
être connecté. Pisani souligne ainsi que « les digital natives ne sont pas tous
égaux. De fortes inégalités d’accès demeurent : différences sociales et
géographiques ont un impact fort. Être né à l’heure du digital ne garantit pas
le statut de insider (membre). La fracture numérique est, en fait, double : sans
accès, ils sont également écartés de ce qui est considéré comme un common
knowledge (savoir partagé) par toute une génération ».
L’importance accordé aux blogs et aux journaux en ligne, en Tunisie en
particulier, et dans le monde arabe en général, n’est pas tout à fait fortuite.
Bon an mal an, la technologie a bousculé un certain rapport de force. En
poussant un secteur stratégique comme l’information dans ses derniers
retranchements. Pour reprendre les termes de Pisani, nous avons ainsi d’une part
les internautes, qui se servent de la Toile mondiale en simple consommateurs, et
les « webacteur », qui produisent des données, des infos, bref, du sens. Et
voici que des ordinateurs (même Dual Core) deviennent même disponibles pour 300
dinars (si, si, voir dans ces nombreuses boutiques, du côté de la place de la
République, adjacentes au terminus du métro, à Tunis). Les webacteurs tunisiens
potentiels sont donc tous les jours plus nombreux. Chamboulant totalement la
donne.
Certes, il y aura toujours la possibilité d’agir sur la « disponibilité » du
contenu, comme on le fait encore dans beaucoup pays de la région. Mais dans la
majorité des cas, les textes rendus invisibles finissent toujours, d’une manière
ou d’une autre par refaire leur apparition. Et pour cause. Il suffit qu’un géant
du secteur, à l’autorité internationalement reconnue, comme une agence de
presse, par exemple, se mette à publier l’information que l’on désirait
escamoter.
Un deuxième problème finit aussi par surgir face aux tenants des solutions de
« contrôle ». Pisani rappelle « qu’au Japon ou en Corée, le PC n’est déjà plus
le premier moyen d’accéder à l’internet. Il a été détrôné par le mobile ». Pis :
« tous nos appareils recevront des données de l’internet. Et alors que le taux
de couverture, la bande passante et les vitesses de connexion augmenteront, nous
passerons à une ère du ‘‘toujours connecté’’ (always on) ». Mais l’auteur émet
un bémol : « à condition, évidemment, d’être dans une bonne zone ». Et « c’est
une des questions majeures des années à venir ».
Chez nos frères Marocain, on vient d’annoncer la possibilité de disposer de
la 3G, sans abonnement téléphonique. Simplement grâce au prépayé. En somme, non
seulement le net se généralise, mais il acquiert une nouvelle qualité : celle de
la mobilité. Permettant ainsi à des pans entiers de la populations du pays, qui
disposait déjà du téléphone portable à se connecter. Et quand on connaît la
facilité d’accès, même en Tunisie, à une puce Tunisiana ou Tunisie Télécom, on
s’imagine la portée d’une telle décision. Les autorités de notre pays ont
annoncé que la 3G sera bientôt disponible. Dans ce contexte, cette décision
contribuera peut-être, à nous mettre tous dans une « bonne zone ». De quoi
changer le visage de la Tunisie.