Des voix institutionnelles internationales et régionales
s’élèvent de plus en plus pour demander aux pays membres de l’Union du Maghreb
Arabe (UMA) de hâter la mise en service de la Banque d’investissement et de
commerce extérieur (BRICE).
La plus récente initiative remonte à mi-novembre 2008, quand M. Dominique
Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), a appelé
à l’accélération de la mise en place, en 2009, de cette «Banque-mirage» pour
faciliter la réalisation de projets fédérateurs dans la zone du Maghreb.
Le DG du FMI, qui présidait, à Tripoli, «une conférence sur les progrès de
l’intégration régionale et la promotion des projets communs», a recommandé aux
Maghrébins de transcender les problèmes politiques qui entravent l’édification
de l’UMA, de suivre l’exemple de l’Union européenne qui groupe des pays réputés
pour leurs hostilités ancestrales, de «faire avancer l’intégration économique
comme s’il n’y avait pas de problèmes politiques.
Espérons que cette fois-ci ce sera la bonne. Car pour ceux qui l’ont oublié,
l’Assemblée constitutive de la BMICE a été convoquée, une première fois, pour le
mois de mars 2007, à Tunis.
En prévision de cette échéance, les pays membres étaient même invités à payer
leur part au capital souscrit (150 millions de dollars) de la banque, durant la
période qui va du mois de décembre 2006 au 15 février 2007. Depuis, cette
convocation a été reportée sine die, et surtout, sans aucune explication.
Pour mémoire, l’accord sur la création de la BMICE a été signé, en 1991 à
Tripoli. Le projet de création de cette institution financière a été ratifié et
adopté par tous les pays membres de l’UMA (Libye, Tunisie, Algérie, Maroc et
Mauritanie).
La BMICE, qui aura pour siège Tunis, a reçu pour mission de «contribuer à la
mise en place d’une économie maghrébine intégrée, de financer les projets
mixtes, d’encourager la circulation des capitaux et de développer les échanges
commerciaux».
Le Capital déclaré est fixé à 500 millions de dollars tandis que le capital
devant être souscrit au moment de la création de la BMICE est fixé à 150
millions de dollars répartis à parts égales entre les cinq pays membres.
Les difficultés rencontrées par le processus de création de la BMICE illustrent
de manière éloquente l’incapacité des maghrébins à édifier, depuis la création
officielle de l’UMA, un certain 17 février 1989, un espace régional compétitif.
Pour preuve, l’intégration économique entre les cinq pays du Maghreb demeure
faible et embryonnaire (2 à 3% des échanges globaux de la zone avec
l’extérieur). Pis, selon la Banque mondiale, le non Maghreb coûte un à deux
points de croissance de moins pour les pays de la région et des centaines
d’emplois de moins (20 mille par an pour la seule Tunisie).
Conséquence, l’UMA, qui est avant tout une aspiration populaire, demeure, au
plan institutionnel «la plus grande frustration maghrébine», une zone
anachronique qui ne fait pas rêver ses habitants. Le processus d’édification de
ce marché de 85 millions de consommateurs (120 millions à l’horizon 2020), est
plombé, depuis sa création en vertu du Traité de Marrakech, par des différends
politiques, dont ceux qui opposent Marocains et Algériens par Sahraouis
interposés, les deux prussiens du Maghreb.
De manière plus précise, la plus importante entrave à la construction de l’UMA
est de toute évidence cette condition que pose le Maroc avant toute intégration,
celle qui exige le respect, voire la reconnaissance par tous les pays membres de
la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque pays. Entendez par là :
le Maroc refuse toute concession sur le Sahara occidental.
Dans cette grisaille, il faut reconnaître qu’en l’absence de l’UMA, de tous
petits pays (du moins sur le plan démographique) font des merveilles. C’est le
cas de la Tunisie et de la Libye. Depuis la levée de l’embargo sur la Libye en
raison de l’affaire Lockerbie, les échanges commerciaux entre les deux pays ont
quadruplé passant d’un milliard de dinars à 4 milliards de dinars.
Mieux des dispositions ont été prises pour faciliter la libre circulation des
capitaux, des personnes, des biens et marchandises. Une véritable dynamique est
engagée entre les deux pays en vue d’une complémentarité structurelle et
durable.
Les investisseurs libyens, de plus en plus visibles à Tunis et dans les grandes
villes du pays, font de belles affaires en rachetant des entreprises tunisiennes
et les investisseurs tunisiens se bousculent à Tripoli et à Benghazi pour
remporter des marchés. Les touristes libyens et tunisiens, fort de l’institution
de la parité entre les monnaies des deux pays, sont de plus en plus nombreux à
franchir la frontière à des fins diverses (shopping pour les tunisiens, tourisme
de santé pour les libyens…). Une manne en cette période de récession.