[17/12/2008 08:27:46] WASHINGTON (AFP)
ège de la Réserve fédérale américaine, le 16 décembre 2008 à Washington (Photo : Mark Wilson) |
La banque centrale des Etats-Unis s’est engagée à fond dans une bataille de la dernière chance pour relancer le crédit, abandonnant temporairement les recettes classiques de la politique monétaire pour s’aventurer sur des terres inconnues et risquées.
Le Comité de politique monétaire de la Fed a décidé mardi de ramener son taux directeur quasiment à zéro (entre 0 et 0,25%).
En annonçant que ce taux pourrait être maintenu à ce niveau “exceptionnellement bas” pendant “un certain temps”, la Fed a renoncé dans les faits à un instrument dont l’utilité s’est avérée toute relative face à la crise, les baisses de taux accordées aux banques n’étant depuis quelque temps que très peu, voire pas, répercutées aux consommateurs.
Elle a officialisé en revanche son recours à des mesures non conventionnelles, dites d'”assouplissement quantitatif”, qu’elle a de fait commencé à expérimenter pour débloquer certains marchés de capitaux.
“Au fond, la Fed a l’intention de devenir la main invisible sur tous les marchés”, relève l’économiste indépendant Joel Naroff, en référence à la force d’équilibre inhérente aux marchés pour l’économiste Adam Smith. “Là où le marché ne fonctionne plus, la Fed va créer un marché”, a-t-il analysé.
La Fed a lancé depuis septembre plusieurs interventions, sans regarder sur la dépense. Elle a ainsi mis en place un programme de rachat de billets de trésorerie –un instrument de refinancement des entreprises– dans lequel elle a englouti plus de 300 milliards de dollars en un mois et demi.
Fin novembre, elle a annoncé des programmes de rachats de titres des organismes de refinancement hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac, dont l’importance est vitale pour le marché immobilier, jusqu’à concurrence de 100 milliards. Elle a aussi signalé son intention de racheter 500 milliards de titres adossés à des actifs immobiliers émis par ces entreprises.
Mardi, la Fed a indiqué son intention de dépasser ces montants “pour soutenir les marchés du crédit hypothécaire et du logement”, “si la situation le justifie”.
Ne fixant aucune limite à l’augmentation de la taille du bilan de la Fed (qui a plus que doublé depuis la fin du mois d’août), des responsables de la banque centrale ont indiqué qu’elle pourrait augmenter tous ses programmes spéciaux existants et en créer de nouveaux.
C’est la politique “la plus agressive jamais tentée pour inverser une récession profonde, empêcher une déflation et insuffler un retour à la normale sur les marchés”, estime Sherry Cooper, économiste de BMO Capital Markets.
çoit le prix Nobel d’Economie, le 10 décembre 2008 à Stockholm (Photo : Olivier Morin) |
Une politique d’assouplissement quantitatif, qui se traduit par un fort accroissement de la masse monétaire, a déjà été menée dans les années 1990 par la banque centrale nippone pour tenter de sortir le Japon d’une déflation catastrophique… dont il ne s’est pas encore vraiment remis.
L’opération n’est pas sans risque et les sceptiques ne manquent pas de faire remarquer que le taux directeur en vigueur aux Etats-Unis est désormais inférieur à celui du Japon (0,30%).
Parmi eux, le lauréat du prix Nobel d’économie 2008 Paul Krugman, ne cache pas ses craintes.
“Ca y est, l’Amérique est devenue le Japon”, écrit-il sur son blog.
“Sérieusement, nos difficultés sont énormes. Il faudra beaucoup de créativité pour sortir de là, et sans doute beaucoup de chance aussi”.
M. Krugman s’inquiète notamment que les Etats-Unis aient mis en place une “trappe à liquidités”, phénomène théorisé par Keynes et rendant vaines toutes les relances de l’économie par la voie monétaire une fois passé sous un certain seuil de taux d’intérêt.
Cachant mal un certain désarroi, nombre d’économistes estiment qu’il n’y a plus qu’à espérer que cela marche. Et sinon à prier pour que le plan de relance budgétaire préparé par l’équipe du président élu Barack Obama fasse des miracles.