Universitaire à la réputation internationale bien établie, le
vice-président de l’Université Paris-Dauphine est aujourd’hui administrateur de
trois entreprises tunisiennes, après avoir été celui de la Banque de Tunisie
jusqu’en avril 2008.
Vivant depuis près de vingt-cinq ans à Paris, M. Elyès Jouini n’a jamais
rompu le cordant ombilical avec la Tunisie. Toutefois, ce brillant
universitaire, actuellement vice-président de l’Université Paris-Dauphine, y
devient de plus en plus visible depuis quelques années. Et a, désormais, une
raison supplémentaire de s’y rendre encore plus souvent à l’avenir. Car ce
mathématicien doublé d’un économiste, a fait, le 16 décembre 2008, son
entrée au conseil d’administration de la Compagnie Méditerranéenne
d’Assurances et de Réassurances (COMAR), après s’être fait coopter par ceux
de la Société du Magasin Général (SMG) et Altran Telnet Corporation.
Elyès Jouini entre dans le monde très feutré de l’entreprise tunisienne
en général, et de la banque en particulier, en 2006, à l’initiative de M.
Faouzi Belkahia, alors président-directeur général de la Banque de Tunisie
(BT). Les deux hommes font connaissance au début des années 2000, à la
faveur d’une étude sur le secteur de l’assurance dont le ministère des
Finances avait chargé M. Jouini et qui amène celui-ci à rencontrer les
principaux assureurs de Tunisie, parmi lesquels le patron de la BT,
actionnaire de référence d’Astrée. Les deux hommes s’étant appréciés, M.
Belkahia envisage un moment de faire entrer Elyès Jouini au conseil
d’administration de cette Compagnie d’Assurances et de Réassurances, mais
finit par lui proposer d’intégrer celui de la banque. L’universitaire
accepte «avec plaisir, car la BT est une très belle banque, particulièrement
saine, et constitue la plus grande capitalisation boursière. » Presqu’au
même moment, il entame une expérience similaire en France, avec ELAIA
Partners, une société indépendante de capital investissement focalisée sur
les technologies logicielles.
Une nouvelle page s’ouvre ainsi dans le très riche parcours de ce surdoué
à la réputation déjà solidement ancrée dans le monde universitaire, tant en
Tunisie qu’en France –où il a été le fondateur de l’Association des
Tunisiens des Grandes Ecoles (ATUGE). En effet, ce normalien, diplômé de la
prestigieuse Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, à Paris, et désigné
en 2005 meilleur jeune économiste de France, siège ou a fait partie d’une
multitude d’organismes français (Conseil Supérieur de la Science et de la
Technologie, attaché au président français ; Conseil de l’Analyse Economique,
relevant du Premier ministre français, Comité Scientifique de la Fondation
de la Banque de France, etc.) qui ne le sont pas moins.
La première expérience d’administrateur d’une entreprise, en l’occurrence
une banque, s’achève au printemps 2008, avec la fin de son premier et unique
mandat à la BT, et de celui de M. Belkahia –qui l’y a fait entrer deux ans
plus tôt-, remplacé en avril dernier par M. Alya Abdallah. Mais quelques
mois avant cet épilogue, Elyès Jouini se laisse convaincre, en 2007, de
rejoindre un autre conseil d’administration, celui de la SMG, que les
groupes Bayahi –dont il est proche- et Poulina venaient de racheter.
Camarade de classe –au lycée de Mutuelleville- du benjamin des Bayahi –Taïeb-,
Elyès Jouini a par la suite fait la connaissance de ses frères aînés Tahar
et Yahia. Cette amitié finira par ouvrir la voie à une fructueuse
collaboration. Après une mission de conseil en faveur de la compagnie
d’assurances Lloyd, reprise en 2001 par les Bayahi, lors de sa
privatisation, l’universitaire a de nouveau été mis à contribution à
l’occasion des préparatifs de lancement de TPS, société du groupe
spécialisée dans la construction, l’aménagement et la gestion de parkings et
centres commerciaux. Elyès Jouini conseille alors la société ayant effectué
les études de marketing quantitatif.
De plus en plus sollicité, l’universitaire-administrateur fait son
entrée, après la banque et la grande distribution, dans le monde des
technologies de l’information et de la communication. Et même si elle est
loin, encore une fois, d’avoir été déterminante, comme dans les précédents
cas, l’amitié a contribué un tant soit peu à faire atterrir Elyès Jouini,
début 2008, au conseil d’administration d’Altran Telnet Corporation, la
joint-venture créée par le groupe français Altran et Telnet.. Les deux
partenaires voulaient «faire entrer au conseil de leur joint-venture une
personnalité à l’interface de la France et de la Tunisie, ayant un degré
d’ouverture sur les aspects tant technologique et financier», explique le
vice-président de Paris-Dauphine. Mohamed Frikha, directeur général de
Telnet, ne pouvait pas ne pas ne pas penser à son ami de –presque – trente
ans, qu’il a connu alors que les deux étaient étudiants à Paris.
Humble, il estime recevoir autant qu’il apporte à ces entreprises qui ont
appel à lui. En tout cas, il ne s’ennuie pas parce que les situations qu’il vit
–donc les sollicitations- diffèrent d’une entreprise à une autre.
Ainsi, à la BT, il a fait partie, outre le conseil d’administration, du
Comité Permanent d’Audit qui assurait, à la fois, la coordination avec les
commissaires aux comptes et la supervision du travail interne de mise en
adéquation de l’organisation et du fonctionnement de la banque avec les
règles édictées par la Banque centrale.
A la SMG, il est plutôt appelé à participer à des brain-stormings. Un
mode de fonctionnement qu’il impute au fait que «la société, certes
ancienne, constitue du point de vue des repreneurs un nouveau projet dans
lequel il y a un grand effort de renouvellement à conduire».
D’autres organismes et entreprises sollicitent l’universitaire de manière
plus ponctuelle, notamment en lui confiant des études. C’est ce qu’a fait en
2001, par exemple, le groupe Batam «qui avait souhaité mettre en place des
outils de scoring, c’est-à-dire de mesure, du risque crédit», pour élaborer
des critères permettant de distinguer, parmi les 500 000 clients figurant
dans la base de données du groupe, les bons, auxquels on pouvait faire
crédit, et les «risqués». Ce travail devait, d’après le donneur d’ordre,
préparer le terrain au développement –en partenariat avec une banque de la
place- d’une carte de crédit avec paiement en fin de mois. L’étude a bien
été réalisée, mais le projet n’a jamais vu le jour. Car, entretemps, Batam
avait commencé à sombrer dans la crise qui avait finit par l’emporter.